Il est tellement marqué par ses lectures qu'il ne cesse de faire de ses écrivains préférés des personnages. A la lecture du titre du nouveau livre de Hamid Grine, on essaye d'abord d'imaginer ce qu'il dissimule. On tente de l'interpréter à sa manière et d'imaginer ce que l'auteur veut insinuer. On a beau réfléchir mais on n'aura la réponse qu'une fois la lecture de la neuvième nouvelle achevée. Le nouveau livre de Hamid Grine, qui vient de sortir aux éditions Alpha, est en effet un recueil de treize nouvelles. L'auteur reste fidèle à son style lucide et sans fioritures. Hamid Grine reste également fidèle à sa ville natale, celle de son enfance et de ses rêves, Biskra. L'auteur remonte jusqu'à la fin des années soixante. Les souvenirs sont toujours vivaces dans son esprit d'écrivain en dépit d'une vie professionnelle intense qu'on aurait pensé pouvoir faire oublier certains détails. Mais c'est compter sans la mémoire d'éléphant de l'écrivain qui est à son seizième ouvrage. Dans la nouvelle d'où l'auteur a puisé le titre de son livre, il s'agit de raconter les élucubrations ingénues d'un ancien ami du narrateur. C'était une bande de copains adolescents qui vivaient dans une ville où il n' y avait pas de vie à proprement parler. Il y avait plutôt des rêves, des fantasmes, voire des mensonges pour impressionner les compagnons mais aucune once d'existence réelle. Le jeunot dont parle Hamid Grine dans cette nouvelle semble avoir existé. Il est difficile de croire le contraire au vu de la sincérité qui se dégage du récit. C'est l'histoire mi-loufoque, mi-tragique d'un adolescent obsédé par sa petite taille. Cette dernière lui créera un complexe qu'il traînera en permanence au point que ses amis l'appelleront désormais avec le sobriquet «La taille». Hamid Grine parle avec tendresse de cet homme. Il raconte comment «La taille» passe son temps à se mesurer aux célébrités de l'époque à l'instar de l'artiste égyptien Abdelhalim Hafez ou encore des acteurs de cinéma qui crevaient l'écran comme Kirk Douglas, Jean Gabin, Clarc Gable ou encore James Dean. En réalité, le personnage «La taille» n'est qu'un prétexte pour Hamid Grine afin de raconter une époque de misère sexuelle. Hamid Grine écrit qu'en «cette fin des années soixante, années de misère sexuelle - quel adolescent de notre époque n'en était pas victime? - des années de frustration et de manque de loisirs, il fallait une bonne dose de courage ou de folie, allez savoir, pour regarder les choses comme elles sont, dans leur nudité, dans leur aridité, dans leur absence de poésie. Et si vous demandez à un enfant de regarder les choses comme un adulte, il perdra sa part d'enfance, sa part d'innocence, cette bulle protectrice pleine de princesses pour lesquelles il sera, lui, le prince charmant». La nouvelle Une vie sur la pointe des pieds se termine sur un détail qui ne manquera pas d'émouvoir le lecteur. Ce dernier aura beau conjecturer sur ce qui attend celui qui deviendra l'ami au fur et mesure que l'on avance dans la lecture, en vain. Ce n'est pas la mort. Mais ce n'est pas non plus la vie. C'est quelque chose qui vacille entre les deux. L'autre nouvelle qui retient aussi l'attention, c'est celle qui porte le titre Le fantôme de Camus. Hamid Grine est tellement marqué par ses lectures qu'ils ne cesse de faire de ses écrivains préférés des personnages. C'est le cas dans cette nouvelle où le personnage principal est un mordu aussi bien de la littérature de Camus que de sa personne à tel enseigne qu'il peut citer mot à mot la célèbre et controversée déclaration d'Albert Camus à Stockholm suite à le réception du prix Nobel, non sans l'avoir replacée dans son contexte, réfutant, ce faisant, les accusations dont on n'a cessé d'affubler Camus: «J'ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s'exerce aveuglément, dans les rues d'Alger, par exemple et qui, un jour, peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice». Cette nouvelle ainsi que les douze autres et comme le souligne l'éditeur, sont une peinture audacieuse et osée des moeurs. «Qu'on suive l'auteur dans les sinuosités scripturaires de l'âme humaine et nous voilà, le temps d'une lecture, les complices d'un voyeur au mille regards qui nous propose un bouquet de nouvelles tout aussi surprenantes les unes que les autres, animant des personnages ordinaires dont la vie, pourtant, vacille, s'emballe, s'enflamme qui sous les feux de l'amour, qui sous le joug de la passion, qui sous la férule impitoyable de l'infortune humaine. Ni heureuse ni sombre, cette manière de voir le monde est d'un réalisme percutant. Le reste, c'est de la littérature», ajoute l'éditeur de Hamid Grine qui dédicacera son nouveau livre ainsi que ses anciens romans aujourd'hui au stand des éditions Alpha au Sila à partir de 14h30.