Les socialistes français (six candidats à l'investiture pour la présidentielle de 2012) innovent et bouleversent un paysage politique français engourdi En organisant des primaires, les socialistes français sont en passe de réussir un pari qui devrait faire bénéficier leur candidat d'une dynamique électorale. Pour le politologue Gérard Grunberg, le succès de cette primaire, dont le premier tour se tient dimanche, «est un enjeu très important pour l'évolution de la vie politique française». «Si elles réussissent, les primaires deviendront une partie intégrante de l'élection présidentielle, comme aux Etats-Unis». A l'origine de ces primaires, la troisième défaite consécutive de la gauche à la présidentielle en 2007 et l'incapacité des socialistes à surmonter leurs déchirements. Cette crise de leadership culmine fin 2008 avec l'accession houleuse et contestée de Martine Aubry à la tête du parti. Devant cette impasse, la presse de gauche, des intellectuels et des quadragénaires du parti se mobilisent pour des primaires, à leurs yeux la seule réponse adaptée à un système politique centré sur l'élection présidentielle. «Pour désigner le candidat le plus apte à gagner, le plus efficace est d'utiliser le même thermomètre qu'à la présidentielle: le vote des citoyens. La légitimation d'une investiture par plusieurs millions de citoyens a une puissance infiniment supérieure à la désignation par une centaine de milliers de militants», explique alors son principal promoteur, Arnaud Montebourg. Fascinés par le succès d'Obama aux primaires démocrates, ces «modernisateurs» finiront par imposer leurs vues aux caciques du parti, longtemps réservés comme François Hollande, pourtant aujourd'hui favori de la compétition. Le facteur clé est donc la participation. Les socialistes ont fixé la barre du succès à un million d'électeurs, mais les exemples étrangers, comme les primaires organisées en Italie en 2005 et 2007, laissent espérer jusque 10% du corps électoral, soit quatre millions d'électeurs. Pour y arriver, le Parti socialiste a prévu 10.000 bureaux de vote, avec l'objectif de ne pas faire plus de 10 kilomètres pour aller voter. «La participation reste la grosse inconnue. Les gens se déplaceront-ils? Auront-ils peur d'aller s'affirmer de gauche?», s'interroge Gérard Grunberg. Tout indique cependant que la campagne a intéressé les Français. Le premier débat télévisé entre les six candidats a été suivi par cinq millions de téléspectateurs. Sur le terrain, les militants reçoivent un accueil positif. «Pour la première fois c'est agréable de distribuer des tracts, les gens viennent vers nous alors qu'avant on devait s'excuser d'être socialiste», témoigne Laure, militante en région parisienne depuis 2005. «L'éventail des candidats est si large, de Montebourg (gauche protectionniste) à Manuel Valls (aile droite du parti) que chacun peut se sentir représenté», explique-t-elle. Le PS espère ainsi bénéficier d'une dynamique militante. Aux Etats-Unis, sur 35 millions d'électeurs de la primaire démocrate, deux millions se sont transformés ensuite en militants de terrain pour Obama. «On disait les partis finis. Mais c'est au contraire la réhabilitation du PS, nous ne sommes plus considérés comme des ringards», souligne la militante. Selon un sondage paru lundi, 68% des Français jugent que les «primaires sont un bon moyen de défendre les idées auxquelles on croit». L'image est d'autant plus positive que la campagne n'a pas tourné à la foire d'empoigne entre les candidats. «C'est difficile d'expliquer aux Français que de participer au choix du principal candidat de l'opposition n'est pas un progrès démocratique», relève M. Grunberg, qui juge inévitable l'adoption à l'avenir d'un système similaire à droite. Cependant, la réussite de la primaire dépendra aussi de la bonne réunification du parti derrière le candidat choisi, à l'image de la convention d'investiture aux Etats-Unis. «Cela sera un autre moment clé», prévient-il.