Quelque 200 salafistes ont tenté d'attaquer dimanche le siège de la télévision privée Nessma à Tunis après la diffusion vendredi soir du film franco-iranien Persepolis et d'un débat sur l'intégrisme religieux, a-t-on appris auprès de la chaîne et du ministère de l'Intérieur. «Il y a eu une première tentative d'attaque de notre siège par un groupe de 200 salafistes, qui ont été dispersés par la police avant d'atteindre les locaux», a raconté le président de Nessma Nebil Karoui qui avait redouté dans un premier temps que les assaillants ne tentent d'incendier le siège de sa chaîne. Sa chaîne avait reçu des menaces de mort après la diffusion vendredi soir du film d'animation de Marjane Satrapi «Persepolis», qui décrit le régime iranien de Khomeiny à travers les yeux d'une petite fille. «Environ 200 salafistes, rejoints ensuite par une centaine d'autres personnes, se sont dirigées vers Nessma pour attaquer la chaîne. Les forces de l'ordre sont intervenues et ont dispersé les assaillants», a indiqué pour sa part le porte-parole de l'Intérieur Hichem Meddeb, faisant état d'une centaine d'interpellations. Il a précisé par la suite que «moins de 10 personnes ont été déférées devant le procureur». «Au vu des déclarations et menaces postées ces derniers jours sur les pages Facebook, ces gens avaient l'intention d'attaquer la chaîne», a-t-il dit, ajoutant que «les forces de l'ordre tunisiennes étaient déterminées à empêcher toute tentative de trouble à l'ordre public». Après la dispersion du groupe salafiste, une centaine d'autres personnes, hommes et femmes confondus, se sont rejoints devant le siège de Nessma en criant «A bas Nessma! nous sommes là pour défendre l'islam», selon un photographe sur place. «Nous ne sommes pas des barbus, mais nous sommes contre cette chaîne et son directeur», criaient-ils. Ils ont été dispersés dans le calme. «Après la diffusion de Persepolis vendredi il y a eu des appels sur Facebook à brûler Nessma et à tuer ses journalistes», a raconté M. Karoui. «Nous sommes habitués aux menaces mais ce qui est grave c'est que cette fois-ci ils sont passés aux actes. Nessma est la chaîne moderniste du Maghreb, on ne se laissera pas intimider et nous continuerons à diffuser les films qu'on veut. On n'a pas chassé une dictature pour revenir à une autre», a-t-il déclaré. La diffusion de Persepolis en arabe dialectal tunisien était une première en Tunisie. «Ce film sera en principe rediffusé mardi soir. D'un point de vue éthique et moral, on ne peut rien lui reprocher», a déclaré une cadre de la chaîne sous couvert d'anonymat. «J'espère que ce genre d'événement va pousser les citoyens indécis à aller voter le 23 octobre, car le danger (intégriste) est imminent», a-t-elle ajouté. L'incident intervient au lendemain de l'invasion par des hommes armés de la faculté de lettre de Sousse (sud), après le refus d'inscription d'une étudiante en niqab. Il se produit également à moins de 15 jours des premières élections en Tunisie depuis la chute de Ben Ali le 14 janvier. Les Tunisiens sont appelés à élire le 23 octobre une assemblée constituante, un scrutin où les islamistes d'Ennahda sont considérés comme les grands favoris. Un responsable d'Ennahda, Samir Dilou, a condamné l'incident mais estimé qu'il s'agissait d'un « acte isolé ». En juillet dernier, les salafistes, dont le parti Tahrir n'a pas été légalisé, avaient attaqué un cinéma à Tunis qui diffusait un film de la réalisatrice tunisienne Nadia El Fani sur la laïcité.