Il y avait tant d'évidence, il y avait la certitude de la victime qui n'est pas près d'oublier les traits du voleur que la meilleure plaidoirie n'y pouvait rien... La victime de vol avait la tête d'un hippie des années «sixties» avec sa longue chevelure tombant sur toute la nuque et une barbe comme seul le défunt Carlos savait porter. La victime s'était déplacée au tribunal de Boufarik (cour de Blida) avec la ferme intention de faire condamner le jeune Ali F., 20 ans, le client de Maître Amine Morsli, qui avait assisté avec plaisir au témoignage sous serment qui, finalement disculpait l'inculpé qui était debout face à Benmabrouk, la présidente de la section correctionnelle du tribunal dans un bon jour, mais agacée par le retard mis par les détenus venant de Blida dans une infernale circulation, Djamila Benkhetou, elle, bien assise dans son fauteuil, pour une fois dépoussiéré à temps avant le début de l'audience, suivait avec beaucoup d'intérêt ce gus qui ne cesse de nier avoir volé tenant la dragée haute à la victime impressionnante de par sa taille et sa ténacité à poursuivre ce jeune contre lequel elle demandera, le moment venu, de très gros dommages et intérêts. Passant à la plaidoirie juste après les deux ans d'emprisonnement ferme requis par Benkhetou, la parquetière Maître Morsli Jr allait mener tambour battant une remarquable intervention basée sur l'absence de preuves et de témoins, pouvant mener la magistrate du siège au verdict souhaité conjointement par la jolie représentante du ministère public et la victime. «Madame la présidente, il me plaît d'avancer vers le pupitre pour vous signifier les yeux dans les yeux ma colère quant aux poursuites à l'encontre de mon jeune client qui est blanc comme neige et donc mérite la relaxe sans autre forme de procès», s'était exclamé l'avocat de Boufarik, qui avait tenu à ajouter par ailleurs que rien dans le dossier ne pouvait faire condamner l'inculpé qui a été inculpé de vol dans un café-maure, selon la victime venue en poursuivant, sûre de ses propos car «ce ne peut être, criera-t-elle, que lui le voleur. Je ne comprends pas la reculade des deux témoins.» Ce qui poussera la juge, très à cheval sur les déclarations, à coincer Ali F., l'inculpé qui, «bafouillant» fera oublier le revirement des témoignages et elle retiendra le délit. Ajoutons l'excellente prestation de Benkhettou, la jolie parquetière, qui a dit sa profonde conviction de la culpabilité de l'inculpé par ailleurs détenu déstabilisé, démoralisé, détruit avant même les demandes écrasantes - cinq ans d'emprisonnement ferme - de la représentante du ministère public. Avant d'aller vers la chute, signalons la manière élégante avec laquelle le jeune Morsli avait défendu son poulain, ce qui a certes, plu à Benmabrouk mais pas dans l'application de la loi. L'évidence voudra que la victime était sûre d'elle. Le propriétaire était venu dans la salle d'audience pour aller transcrire le «avoir le pot du voleur». Et du pot, Ali F. n'en avait pas et donc il laissera sa liberté car la présidente allait lui infliger sans coup férir une peine ferme de deux ans d'emprisonnement pour vol, fait prévu et puni par l'article 350 du Code pénal, qui a prévu 23 articles pleins, clairs, nets, sans équivoque! Et ici, la victime a dit qu'elle n'oubliera jamais les traits. Et que pensez alors d'un défenseur qui a longtemps entendu son client lui jurer par tous les sains saints de la planète à serments sifflants? De la naïveté? Non, du professionnalisme, car en face, il y avait une victime qui s'était résolue à effectuer le déplacement très tôt à Boufarik, entrer encore plus tôt dans la salle d'audience, attendre sur le pied de guerre l'entrée du tribunal et de la représentante du ministère public pour tout dire, narrer, raconter, se plaindre et réclamer de lourds dommages et intérêts. En bon pénaliste, Maître Morsli avait étalé la preuve que son... Maître n'était autre que Maître Rachid Hadj Morsli, son propre papa. Comme quoi, bon sang ne saurait mentir!