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Leïla Hamoutène:
porte-voix de nos angoisses PORTRAIT D'UNE FEMME ECRIVAIN
Publié dans L'Expression le 16 - 10 - 2001

Emouvante et sincère, son écriture, basée sur la réalité, se veut un témoignage poignant sur notre vécu......
Pour certains auteurs, écrire revêt une fonction salvatrice à même d'apporter un message d'espoir et de tolérance. L'écrivain Leïla Hamoutène en fait partie. Une sensibilité féminine d'autant plus qu'elle ne laisse rien au hasard...
A travers ses livres, que ce soit Sang et Jasmin¸ paru au mois de mai dernier ou dans ses nouvelles Abîmes, éditées en 1992 chez l'Enag, l'écrivain a su traduire avec fidélité les pulsations qu'agite une société en dérive. La nôtre en l'occurrence.
Leïla Hamoutène est devenue, un peu malgré elle, le porte-voix de cette société en perpétuelle crise avec elle-même, mais qui essaye, tant bien que mal, de s'en sortir. Aussi c'est cette lueur d'espoir, qui pointe à l'horizon de chacun de nous, que l'écrivain se plaît à peindre et à restituer dans ses romans. A l'image de Assia Djebbar ou Maïssa Bey, deux autres écrivains algériens et dont le cheval de bataille est notamment la défense de la femme «emprisonnée», Leïla est allée puiser dans la réalité, sa sève d'écriture. L'écriture est ainsi pour elle une source de bienfaits inépuisable, un moyen de «se tenir en vie» malgré tout, et d'affirmer son existence. Elle qui, jadis, tenait un journal intime, où elle inscrivait tout ce qui lui passait par la tête et la touchait au plus profond d'elle-même, voit, aujourd'hui sa vie mêlée à celle des autres par un cruel destin, unis dans le malheur par une histoire commune dont personne ne veut. Dans cette «longue lettre» où elle se confie à ses lecteurs (le roman), l'auteur ne se parle pas uniquement, mais parvient à communiquer aux autres son chagrin et ses tourments, celui d'une femme, doublée d'une citoyenne à part entière... Dans Sang et Jasmin - son premier roman - symbolique de la dualité entre la vie et la mort, le tragique est inhérent au quotidien. Leïla s'est contentée de parler de la continuité de la vie en mettant en exergue la résistance pacifique des Algériens à l'époque où le terrorisme battait son plein. Dans un style fluide, teinté d'humanisme, l'écrivain a su raconter avec une profonde analyse de la situation, les déchirures et la violence que les Algériens ont subies pendant les années 1994 et 1995, période où il était rude de distinguer entre réalité et fiction, tant la folie sanguinaire dépassait l'entendement, où l'épouvante, tel un cauchemar meublait nos vies au jour le jour.
Dans une ville enfiévrée et sanglante, en proie à ses démons, Warda, Kamel et Saïf, trois jeunes Algérois fragiles comme le jasmin, mais portés par l'amour et l'espoir, vont vivre des événements difficiles... C'est ainsi que l'auteur nous présente l'histoire de son roman, Sang et Jasmin. «Juillet était passé, août entamé sans pour autant changer l'atmosphère. Les Algérois avaient trouvé un dérivatif à leur angoisse, à la mort lente : paresser sur la plage, se baigner comme si la peur n'existait pas.» Le courage, tel semble être le mot d'ordre pour avancer...
Dans son recueil Abîmes, c'est en connaissance de cause, que Leïla dresse le tableau d'une jeunesse en mal de repères. L'auteur met l'accent en outre sur l'enfant, mais aussi sur la femme, deux moteurs clés de notre société. Normal quand l'écrivain n'a fait que les côtoyer pendant des années. De formation scientifique, Leïla Hamoutène enseigne aux jeunes ados, la langue française depuis près d'une vingtaine d'années. Pourvue d'une grande culture et de générosité, elle tente d'inculquer à ses élèves, tant bien que mal, des valeurs saines avec une vision adaptée à leur monde désenchanté, tout en essayant de leur apprendre à surmonter leurs échecs, à sortir de leur «bulle» et se débarrasser de leur traumatisme... Ce qui est loin d'être une sinécure. Pour elle, l'écriture est, en tout cas une bouffée d'oxygène, sa raison d'être, peut-être. Aussi, il lui arrive d'écrire n'importe où et n'importe quand: «J'imaginais mes histoires en vaquant à mes occupations domestiques comme n'importe quelle femme.» C'est ainsi que Leïla écrit «à la cuisine, dans la chambre à coucher ou encore dans le jardin, ma source d'inspiration». Rien de tel, en effet, qu'un endroit qui aspire à la quiétude et à la paix, pour se ressourcer et se régénérer. Bref, pour exorciser ses peurs et ses angoisses... Nos angoisses!


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