Après Mohamed Raouraoua, L'Expression ouvre les colonnes de sa rubrique «A coeur ouvert» à un autre représentant du monde sportif. Mais pas n'importe quel représentant puisqu'il s'agit de Rabah Madjer, l'homme qui a fait chavirer par deux fois, en 1982 et en 1987, le coeur des Algériens. Récemment, l'ex-entraîneur national de football a obtenu gain de cause dans le litige qui l'opposait à la FAF suite à son limogeage. L'Expression a saisi cette occasion pour l'inviter afin qu'il puisse s'exprimer sur le sujet et sur ce qu'il compte faire dans un proche avenir. Appelé à trois reprises à la rescousse pour prendre les rênes de l'Equipe nationale de football, il a été remercié par trois fois. En 1995, par le Bureau fédéral pour incompatibilité d'humeur. En 1999, par le ministre de la Jeunesse et des Sports pour insubordination et quelque mois plus tard par le président de la FAF pour soi-disant propos déplacés et injurieux à l'encontre des dirigeants de la FAF. Dans cet entretien qu'il nous a accordé, l'ex-coach des Verts, Rabah Madjer, nous a ouvert son coeur. Il nous a fait part de sa vision de l'état du football national, en tirant à boulets rouges sur les dirigeants actuels, auxquels il voue une aversion au point de les appeler «ces gens-là» et qu'il accuse ouvertement d'être derrière un football algérien désarçonné et «embroussaillé» par des intérêts personnels. En effet, Madjer n'a pas hésité à pointer un doigt accusateur. L'homme à la célèbre talonnade a, entre autres, remis en cause la venue d'un entraîneur étranger qu'il estime ne rien pouvoir faire tant que ces dirigeants sont là, mais il promet de revenir en tant que responsable pour introduire une nouvelle discipline dans la gestion du football national et chasser ceux qu'il qualifie d'opportunistes. «Auparavant, il y avait des gens qui oeuvraient pour la réforme, mais depuis que le football est géré par certaines personnes, il est pris en otage, parce qu'il y a beaucoup d'intérêts, beaucoup d'argent, d'où le malaise de notre football» clame le ballon d'Afrique de 1987. «Aujourd'hui, où est Khalef, où est Makhloufi, où sont les hommes, Fergani et les autres? Notre football a besoin d'eux». Leur retrait de la scène footbalistique nationale, Madjer l'attribue à la présence de certains opportunistes «qui ne lâchent pas prise et qui sont là pour se servir du football et non pour le servir». En effet, à l'instar de beaucoup d'entraîneurs qui ont tant donné au football et qui aiment vraiment cette discipline, ils ont préféré être en dehors plutôt que de collaborer avec eux, car ils savent qu'ils ne pourront jamais travailler en leur compagnie: «Parce que, quelque part, nous, on dérange, et parce qu'on n'attend rien du football. Bien au contraire, on veut rendre au football ce qu'il nous a donné», justifie Madjer avant d'ajouter: «C'est pour cela qu'aujourd'hui, on n'a pas de place parmi ces opportunistes. Seulement, nous aussi - Dieu merci - on refuse de travailler avec «ces gens-là» parce qu'on ne veut pas être complices de cette mascarade et de ces mensonges qui règnent au sein du football national». Parmi les raisons ayant entraîné le football national dans un marasme sans fond, Madjer n'a pas hésité à remettre en cause les responsables des clubs en premier lieu et les joueurs en second. «Aujourd'hui ce sont les présidents de clubs qui sont les plus médiatisés en raison de la surenchère qu'ils font des joueurs qui ne justifient même pas leurs salaires, ces derniers, dont la majorité analphabète n'arrivent même pas à assimiler un schéma tactique». En plus, l'enfant de Hussein Dey, remet en cause le système national, «il est aberrant de voir des joueurs qui n'arrivent même pas à suivre un cursus scolaire normal». La solution? Madjer n'y va pas par quatre chemins: «Il faut que ‘‘ces gens-là'' quittent la scène et retournent à leur mercantilisme». En outre, l'absence de centre de formation spécialisé a grandement contribué à la décadence du sport-roi en Algérie. «Il faudrait que les pouvoirs publics instaurent une nouvelle politique de développement avec un centre de regroupement spécialement pour l'E.N et un autre pour les petites catégories, en plus d'un championnat pour toutes les catégories avec un responsable à sa tête», préconise Madjer. «C'est ainsi que le jeune joueur pourra acquérir une expérience et être plus compétitif en équipe fanion». Enfin une promesse a été faite à tous les amoureux de la balle ronde et fans de l'EN. «Je reviendrai en Algérie, non pas pour driver l'Equipe nationale, mais plutôt pour avoir une responsabilité afin de barrer la route à ces opportunistes qui, non seulement n'aiment pas le football mais détruisent ce qu'il en reste». Une promesse solennelle faite après mûre réflexion.