Elle pourrait avoir des conséquences sur les élections législatives qui doivent se tenir en principe en mai 2012, et chambouler les pronostics qui donnent pour moribonde la mouvance islamiste légale. Le danger pourrait venir des responsables de l'ex-Fis qui n'ont pas perdu l'espoir de renaître sous un autre sigle et qui n'ont pas non plus abandonné leur projet de voir s'instaurer un Etat islamique en Algérie. Leur frustration des années 1990 a attisé leur esprit revanchard au point qu'ils ont plongé l'Algérie dans une guerre fratricide qui a fait quelque 200.000 morts selon certaines sources. Un bain de sang dont les plaies ne sont pas encore près de se refermer. Une fracture qui a marqué le désaveu définitif d'un réservoir électoral pourtant incontestable vis-à-vis de la mouvance islamiste intégriste qui n'a pas hésité à franchir le Rubicon: la lutte armée pour parvenir au pouvoir. Le peuple algérien n'est pas prêt à revivre cette expérience cauchemardesque. Bénéficiant de la générosité de certains pays du Golfe à l'instar du Qatar (exil doré de Abassi Madani, l'ex-président du parti dissous qui s'est empressé de reconnaître le CNT libyen, les tenants de la tendance dure de la mouvance islamiste tentent de rebondir. La connexion entre les intégristes libyens et ceux de l'ex-fis semble s'être établie dans ce pays. En effet, cheikh Ali Sallabi, islamiste rigoriste influent qui prône la charia, soutenu par le Qatar a financé et armé les insurgés libyens. L'ex-leader du FIS dessous porte-t-il le même projet? La question est posée. Sortis par la petite porte de la scène politique, les intégristes algériens tentent de revenir par la fenêtre. Ils brandissent des slogans moralisateurs de la vie publique qui peuvent être porteurs (fermeture de bars et de débits de boissons alcoolisées, chasse aux prostituées et aux non-jeûneurs...). Des thèmes qui pourraient avoir des conséquences sur les élections législatives qui doivent se tenir en principe en mai 2012, et chambouler les pronostics qui donnent pour moribonde la mouvance islamiste légale. En Tunisie et en Libye, les islamistes frappent aux portes du pouvoir avec des convictions apparemment opposées. De l'ensemble des pays du Maghreb, la Tunisie voisine sera certainement le pays qui s'accommodera le mieux de la probable arrivée au pouvoir des islamistes d'Ennahda. Le scrutin de dimanche dernier qu'ils viennent de remporter haut la main en est un indicateur puissant. La formation politique de Rached Ghannouchi a sans conteste cristallisé autour de son programme toutes les frustrations subies pendant prés d'un quart de siècle d'un règne sans partage du clan Ben Ali mais elle n'est sans doute pas prête à compromettre des libertés chèrement acquises et dont elle s'est accommodée depuis maintenant des décennies particulièrement en ce qui concerne la condition de la femme qui jouit d'un statut juridique unique dans le Monde arabe. Ghannouchi prendra-t-il le risque de les remettre en cause et de compromettre les chances de son parti de voir enfin se réaliser un rêve longtemps caressé dont il a été privé faute d'inexistence d'exercice des libertés démocratiques? Répètera-t-il une erreur que le président tunisien déchu a fini par payer faute d'avoir trop tiré, sur la corde? Le vieux leader islamiste que l'on a de tout temps taxé d'intégriste jure par tous les saints qu'il ne touchera pas aux textes qui confèrent à la femme tunisienne des droits qui la consacrent égale de l'homme. «Nous affirmons le droit de la femme à participer à toutes les activités de la société», a-t-il assuré et s'est dit prêt à former une coalition, y compris avec les partis laïcs. Après 42 ans d'un régime dirigé de main de fer par Mouamar El Gueddafi, le président du CNT vient d'annoncer que la Libye nouvelle va se doter d'une Constitution dont les lois seront basées sur la Charia... La Libye va-t-elle rater son rendez-vous avec l'histoire? L'Occident, à défaut d'avoir érigé le socle de la démocratie, a-t-il posé les jalons d'une république islamique en Libye? Le CNT semble vouloir prendre le contre-pied de cette nouvelle ère, de ce vent de liberté-qui peut s'avérer éphémère- qui s'offre et souffle sur le peuple libyen. Le président de l'organe politique de l'insurrection libyenne a confirmé cette orientation lors du discours de déclaration de la libération de son pays du joug du Guide libyen, éliminé: «En tant que pays islamique, nous avons adopté la charia comme loi essentielle et toute loi qui violerait la charia est légalement nulle et non avenue», soulignant que les textes de loi (sous El Gueddafi, Ndlr) qui interdisaient la polygamie et autorisaient le divorce, seraient abolis tout en annonçant la création de banques islamiques. Mustapha Abdeldjalil a-t-il roulé les Occidentaux dans la farine, Nicolas Sarkozy en tête? La France prévient. «Nous serons vigilants à ce que les valeurs que nous avons défendues aux côtés du peuple libyen soient respectées: l'alternance démocratique, le respect de la personne humaine, l'égalité des droits entre l'homme et la femme...», a déclaré le chef de la diplomatie française, Alain Juppé. L'ex-ministre de la Justice de Mouamar El Gueddafi a rectifié sans trop de précisions. «Nous n'accepterons aucune idéologie extrémiste de droite ou de gauche. Nous sommes un peuple musulman, à l'Islam modéré, et nous allons rester sur cette voie», a tenté de rassurer le président du CNT. Sans convaincre. «Nous avons reçu des extraits préliminaires de la Constitution libyenne. Nous reconnaissons le fait qu'ils sont préliminaires et provisoires, mais ils ne respectent pas les changements modernes en vertu desquels plus de la moitié de la population (les femmes) doit participer à la vie politique», a confié avec des signes d'inquiétude, Morten Wetland, l'ambassadeur de Norvège aux Nations unies.