La mouvance islamiste est en net déclin, estiment les observateurs de la scène politique nationale. Le nouveau parti de Djaballah va-t-il réussir à fédérer autour de son projet les militants islamistes toujours actifs à l'approche des échéances électorales ? A quelques encablures des joutes électorales de 2012, les partis politiques, toutes tendances confondues, sortent de leur léthargie, s'agitent et se mettent au devant de la scène pour promettre, comme c'est le cas à chaque échéance, «de prendre en charge les préoccupations des citoyens» de manière effective. Parmi tous ces «agitateurs» de foules, la mouvance islamiste a, pour nombre d'observateurs, perdu beaucoup de terrain. Mais le travail de l'ombre, au demeurant jamais abandonné des islamistes, a toujours drainé les foules endormies prises soudainement d'un appétit de gouvernance «idéologique». Le discours islamiste moralisateur a atteint toutes les couches de la société mais ces dernières n'ont pas encore trouvé un leader charismatique depuis la dissolution du FIS et voguent de formation en formation sans grand résultats et avec beaucoup de déceptions puisque les partis de la mouvance islamiste (MSP, Islah, Nahda…), ont tous, sans exception, été touchés par des vents de contestation et des crises internes qui les ont menés à l'éclatement, à l'éclipse totale pour réapparaître dans d'autres espaces et s'essayer à des «alliances contre nature», dans l'espoir de rebondir. Le Front pour la justice et le développement (FJD), lancé par Abdallah Djaballah, va-t-il réussir à fédérer autour de «son projet», les forces islamistes, les cadres mécontents des partis «en détresse», ceux du FIS dissous qui n'ont à aucun moment abandonné le champ politique à l'image d'Ali Benhadj qui ne rate aucune occasion pour «narguer les autorités» ? En tout cas, son appel solennel à «tous les frères de lutte» et à la mouvance islamiste en général qui a pour objectif de capter ce potentiel électoral est aussi un clin d'œil aux autorités appelées à trancher l'agrément de «ce nouveau-né» qui «ne représente nullement un danger pour la nation». Profitant d'une conjoncture assez particulière marquée par le déclin de la plupart des partis islamistes minés de l'intérieur, Djaballah a fait son come-back sur la scène politique par la grande porte. A voir tous les militants et autres sympathisants qui sont venus par centaines l'acclamer, il est aisé de déduire que l'homme de Sant Egidio jouit encore d'une popularité restée intacte malgré son éclipse qui a duré des années, alors que «ses ennemis» d'El Islah et d'Ennahda, deux formations qu'il a lui-même créées peinent à faire consensus autour d'un projet islamiste. En vieux routier de la politique qui activait déjà dans la clandestinité, Djaballah sait pertinemment que le climat s'y prête merveilleusement bien à l'heure où la révision de la loi sur les partis qui accorderait plus de «largesses» à ceux qui ne prônent pas la violence est sur le point d'être adoptée. Reste à connaître les nouveaux critères pour l'attribution d'agréments sachant que 42 demandes dans ce sens moisissent toujours dans les tiroirs de l'Intérieur. Djaballah reste confiant. Il n'hésitera pas à condamner la violence et à rassurer sur ses bonnes intentions pour l'édification d'«un Etat démocratique et social dans le cadre des principes de l'Islam». Un Etat théocratique dont rêve l'ensemble des formations islamistes à commencer par le MSP, membre de l'alliance présidentielle qui se voit pour cette raison notamment «écarté» peu à peu de cette coalition alors que ses rangs s'effritent avec la création du nouveau parti de Menasra qui lui aussi affiche clairement sa «religiosité» politique. Les deux ex-partis de Djaballah El Islah et Nahda font de la figuration et voient tout comme le MSP leurs rangs se réduire en peau de chagrin à telle enseigne que des éléments d'El Islah ont déjà adhéré à l'idée de Djaballah de fédérer le courant islamiste désormais non violent à ses yeux qui pourrait bien comprendre aussi quelques caciques du FIS que comptait «récupérer» Ahmed Taleb Ibrahimi dont le parti n'a jamais reçu son agrément. La tentative de Mohamed Saïd de succéder à son mentor a également buté sur un niet catégorique de l'Intérieur. C'est cet ensemble d'éléments que compte aujourd'hui «exploiter» Djaballah qui a toujours adopté un profil bas et qui pourra ainsi coiffer sur le poteau les «leaders zélés» de la mouvance islamiste. En théorie, la chose paraît possible mais les observateurs expliquent que le déclin de la mouvance est nettement visible, la lutte antiterroriste et la politique de la réconciliation nationale ont eu pour ces derniers des «effets positifs». C'est l'effet boomerang que certains craignent aujourd'hui.