Ce n'est pas un hasard si Soltani et Djaballah tiennent, à quelques nuances près, le même discours que les leaders de l'ex-FIS. Les formations islamistes légales, que sont le MRN et le MSP, semblent vouloir tirer un maximum de profit de la réconciliation nationale. Sachant le pouvoir inflexible sur la question du retour de l'ex-FIS aux affaires, les deux partis profitent de cet état de fait pour faire des déclarations à la limite de la légalité. Ainsi, le MRN, tout autant que le MSP, semble décidé à ne pas laisser la chance de la réconciliation nationale lui échapper à l'heure où la libération massive de détenus intégristes est susceptible de «tonifier» un réservoir électoral resté «muet» depuis l'interruption des élections législatives de décembre 1991. Louant «les vertus» de la réconciliation nationale, les têtes de file de l'islamisme légal entendent, sans doute, voir leur discours relayé par les anciens prisonniers élargis. En effet, même s'ils ont abandonné l'action violente, les anciens terroristes et autres activistes n'en demeurent pas moins encore très imprégnés de l'idéologie intégriste. Ils constituent, de fait, un relais non négligeable entre les formations politiques et la base sociale acquise aux discours de l'ex-FIS. L'espoir nourri par Soltani et Djaballah est de voir les «élargis» faire campagne pour le courant le plus proche de leurs idées, à défaut de réhabiliter le parti auquel ils s'identifient totalement. Les déclarations des responsables du FIS dissous au sujet du «bien-fondé» de la démarche réconciliatrice du pouvoir politique, constituent en soi, un motif suffisant à même de «réveiller» les dizaines de milliers d'électeurs, en attente d'un signe de la direction politique de l'islamisme radical. Les multiples sorties médiatiques des leaders intégristes abondent toutes dans le même sens. De Rabah Kébir à Layada, en passant par Boukhamkham, la démarche est invariablement la même: «La réconciliation nationale règle en partie la crise politique». Entendre par là que seule la réhabilitation de l'ex-FIS, ou dans une moindre mesure la permission d'exercice politique aux responsables du parti dissous, est de nature à mettre un terme à la crise algérienne. Ce n'est donc pas un hasard si Soltani et Djaballah tiennent, à quelques nuances près, le même discours lorsqu'il s'agit de réconciliation nationale. Le jeu est donc on ne peut plus clair et l'on sent une stratégie de «partage des rôles» destinée à réconcilier l'électorat islamiste avec les urnes, et partant, récupérer un important réservoir de voix, à une année des prochaines élections législatives. Ainsi, toutes les déclarations des dirigeants de la mouvance islamiste, que celles-ci soient légales ou pas, versent dans le même registre, à savoir trouver un lien, même ténu, entre les partis reconnus par les institutions de la République et la tendance radicale, rejetée par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et l'ordonnance qui matérialise la démarche présidentielle. N'ignorant pas l'enjeu de l'heure, à savoir le poids de l'islam politique sur la scène nationale, les leaders du MSP et du MRN vont sans doute multiplier les déclarations aux fins de garantir un maximum d'audience auprès de l'opinion proche des thèses islamistes radicales. Cela dit, ce qui fait courir ces partis peut se retourner contre eux, pour la simple raison que la réconciliation nationale se trouve être une démarche également soutenue par des formations politiques, dont l'un des principes est justement de réduire l'influence islamiste de la vie politique de la nation. Ces partis, le RND et le FLN en l'occurrence, développeront un discours à l'opposé de celui des islamistes, quant à la lecture à faire de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Celle-ci, faut-il le souligner, réduit considérablement le champ de manoeuvre politique aux dirigeants de l'ex-FIS. Ainsi, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'opinion nationale risque fort d'être confrontée à des discours contradictoires sur le fond, quant à la suite à donner à la libération massive des anciens terroristes et autres dirigeants politiques de l'ex-FIS. La bataille préélectorale aidant, la réconciliation nationale risque de constituer un autre motif de division au sein d'une Alliance présidentielle qui a fait campagne pour sa promotion au sein de larges couches populaires.