Le Pakistan s'enflamme davantage depuis le début de l'offensive américano-britannique sur l'Afghanistan, un pays dont la population est en exode et qui ne survit que grâce à l'aide alimentaire internationale. Les manifestations dans les grandes villes pakistanaises sont d'ailleurs quotidiennes. Le mot d'ordre de grève générale, lancé par la coalition des partis islamistes pakistanais en signe de protestation contre l'arrivée, hier soir, du secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a été largement suivi. La ville de Quetta a été carrément paralysée et 15.000 personnes y ont manifesté. La grève était également initiée pour protester contre la décision du président Pervez Mucharref de soutenir les opérations militaires contre l'Afghanistan. Aussi, même si Condoleezza Rice, conseillère à la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, estime que «ce qu'on voit, ce sont des manifestations rassemblant des milliers de personnes dans des pays qui comptent plusieurs millions d'habitants», les observateurs craignent cependant le pire. Une personne a été tuée par balles et au moins 24 individus, dont trois policiers, ont été grièvement blessés lors d'une violente manifestation organisée à Jacobabad, dimanche, par la mouvance islamiste pakistanaise Jamiat-Ulema-e-Islam. Cette dernière a fait état de plus de 2000 arrestations avant même le début des incidents. Dans la nuit de dimanche à lundi, deux policiers ont été abattus par des inconnus à Karachi au sud du Pakistan. Cette agression est, par ailleurs, la troisième du genre, en une semaine, contre les forces de police. Un responsable de la sécurité de la province du Sind a même déclaré, hier, que les attaques menées contre la police «étaient sérieuses». Un tel embrasement de la population pakistanaise est inquiétant parce que, à majorité protaliban, elle peut, à chaque instant, échapper à l'autorité de Mucharraf. «La prolongation des opérations sera une source d'inquiétudes pour nous», déclarait Riaz Mohammad Khan, porte-parole du ministère des Affaires étrangères pakistanais pour ajouter que les taliban n'ont jamais été considérés par Islamabad comme étant des terroristes. Avec pas moins de 150 millions d'habitants et 1400 kilomètres de frontière avec l'Afghanistan, le Pakistan a de quoi se faire du souci. Colin Powell également.