Les imprimeurs ont laissé entendre qu'ils étaient prêts à suspendre d'un coup pas moins de six quotidiens. Ce nouveau coup de tonnerre dans le ciel, pas souvent serein de l'été 2003, est venu amplifier ceux qui ont déjà retentit depuis le début de cette année charnière de précampagne pour l'élection présidentielle du printemps 2004. Sur fond d'un scénario, déjà vu par le passé, la saga presse-pouvoir est une nouvelle fois enclenchée par les pouvoirs publics ou leurs officines économiques et commerciales, les imprimeries d'Etat, à travers la transmission aux rédactions de ses fax, les enjoignant de payer rubis sur l'ongle, leurs dettes, faute de quoi, ce sera la suspension pure et simple. Ces entreprises publiques d'impression de la majorité des quotidiens nationaux, comme chacun le sait, confectionnent sur leurs rotatives ces journaux qui sont de droit privé et dont les rapports sont régis théoriquement et uniquement par les règles de la commercialité, fondement, qui est appelé économie de marché. Néanmoins, aux dires des responsables des titres concernés, les dessous de l'Histoire ou plus exactement les enjeux de la mise en demeure de payer, sont ailleurs. Ils sont politiques, voire purement politiciens, pour ne pas dire bassement électoralistes. Le timing de l'affaire, le délai laissé aux six quotidiens parmi les plus forts tirages du pays et le fait que même la fameuse formule de l'échéancier trouvée jadis et encore pratiquée en faveur de certains titres dits à faible tirage - mais cette fois délibérément écartée pour les publications en question - renforcent leurs accusations du pouvoir politique. Aussi, au cas où ce dernier actuellement dans une très mauvaise posture, engagé qu'il est sur plusieurs fronts (guéguerre avec le FLN, scandales en série, gestion de l'après-séisme, préparation de future présidentielle) passerait aux actes, à qui profiterait alors cette infamie, désormais coutumière de répondre par la répression à toute attaque, critique ou révélations sordides, émanant de journaux censés représenter la liberté d'expression, épine dorsale de tout-Etat de droit. Comme nous ne sommes qu'aux premiers balbutiements de l'une et aux chimères de l'autre, tout dérapage ne peut se traduire que par un cataclysme comme celui de la suspension des journaux. Curieusement, le principal responsable du secteur, d'habitude très prolixe quand il s'agit de folklore ou de chansonnettes assimilés à de la culture séculaire, se distingue singulièrement par un silence qui exprime tout le surréalisme de la situation. Quant à l'opinion publique nationale, en cette période de congés annuels et de farniente, elle suit mi-amusée, mi-indifférente, ce énième feuilleton politicien de l'été. Il est vrai, que l'Histoire ne met à nu que le degré de dépendance d'organes de presse qui se présentent comme privés et indépendants, mais sont en fait, tenus en laisse d'une manière ou d'une autre (publicité, impression...etc.) par un pouvoir politique qui ne semble pas avoir apparemment beaucoup changé dans ses réflexes et ses méthodes de gestion de ses rapports avec cette corporation. Jusqu'où ira cette malformation ancestrale de la démocratie à l'algérienne?