Nous avons appris en direct par la bouche de la juge qu'elle ne lit pas la presse... hou-là-là! Maître Mostefa Bouchachi a la réputation de ne pas trop connaître les magistrats face à qui il plaide souvent. Pourtant, ce mardi, face à Lynda Dabouci, la juge de Chéraga (cour de Blida), il n'a eu de cesse de suivre avec beaucoup d'attention l'interrogatoire de l'inculpé de coups et blessures volontaires à l'aide d'une arme blanche ayant occasionné un arrêt de travail. Son attention était encore plus soutenue lorsque la présidente avait exhibé la photo où l'on pouvait nettement voir un gros bandage sur la joue droite, probablement balafrée. Il a même suivi religieusement le témoignage du jeune, qui s'avèrera ne pas en être un, car, à un moment donné, il reconnaîtra qu'il n'avait pas assisté à la rixe. «On m'a seulement dit que l'auteur du coup de couteau avait pris ses jambes à son cou pour s'évanouir dans la nature», avait marmonné le témoin qui sera d'ailleurs rappelé à l'ordre par Dabouci laquelle n'avait pas supporté qu'il parlât en même temps qu'elle. Maître Bouchachi, qui savait que son client risquait gros, allait poser de très bonnes questions dont les réponses pouvaient aller sur la bande «d'urgence» des circonstances atténuantes. Et nous apprendrons que le drame avait commencé dans un local commercial où le gérant avait poussé violemment l'auteur du coup de couteau et le... témoin qui était parti sur le champ pour ne revenir qu'un peu plus tard apprendre par un «on dit que» l'incident et le délit. L'avocate de la victime demandera durant sa plaidoirie la requalification de coups et blessures en tentative de meurtre car elle a trouvé les faits très graves. Abdellah, l'attentif procureur, demande une peine de six ans d'emprisonnement ferme et une amende. Maître Yassamine Younsi l'avocate de la victime va plaider si l'on veut, en gros. N'empêche qu'elle va défoncer la porte des détails de l'affaire. Elle pointera du doigt le témoignage. Répliquant à sa consoeur du jour, elle trouve excessif de parler de crime. «Le témoin qui n'a pas assisté à l'incident du début à la fin, a reconnu ne pas être O.K. avec l'inculpé et a peut-être aidé le tribunal sur les relations entretenues par les parties mises en cause», a dit l'avocate qui s'en tient à l'absence de témoins du drame. Maître Bouchachi s'avance à quarante centimètres du pupitre de Dabouci et commencera un véritable carrousel concernant les rapports de la police judiciaire: «Nul n'ignore que ce sont les éléments de la police judiciaire qui guident l'instruction!» s'est exclamé l'avocat au bord de la révolte lorsqu'il sent l'injustice menacer un justiciable. Allant plus loin, l'avocat affirme qu'un policier au volant avait témoigné à charge et ce, de loin: «Comment ce policier a-t-il pu, en arrivant en trombe, voir l'auteur du coup de rasoir, voir ce fameux rasoir de quatre centimètres carrés! C'est impensable! C'est injuste comme témoignage!», a encore dit Maître Bouchachi qui a vu Dabouci l'arrêter net pour ce qui est des statistiques des émeutes dans la région: «Maître, nul n'a entre les mains de vraies statistiques! Je suis désolée mais il n'y a rien d'officiel!» Et le conseil de répliquer. «C'est la presse qui l'a rapporté!» Le conseil qui est là aussi, contré par la juge qui désapprouve cette dernière info: «Je ne lis pas la presse!» Le plaideur revient au faux témoignage du fameux policier qui a pu reconnaître un tout petit menu rasoir! «Abdesslam a-t-il utilisé un rasoir? Selon un flic, oui. Les deux autres n'ont rien vu..», s'accroche le conseil qui adore balancer de bons conseils lorsqu'il s'agit pour lui de dénoncer les rapports de police! «Nous faisons confiance à votre esprit d'indépendance en qualité de juge du siège, même si vous ne lisez pas la presse et c'est votre droit!», conclut l'avocat qui finira avec une grimace éloquente en direction de la présidente qui a souffert le martyre car si Dabouci ne lit pas la presse, elle connaît très bien Maître Bouchachi, celui-là même qui ne dit que la vérité car il parle des droits de l'homme.