Le prévenu a affirmé avoir vu son père molesté et plus que molesté par l'énergumène qui recevra alors une raclée, mais alors une raclée... Maître Mohamed Gueritli, l'avocat de Bachir S. un prévenu de coups et blessures volontaires à l'aide d'une arme blanche ayant causé un arrêt de travail de quarante deux jours, s'attendait sûrement au verdict de la juge du dimanche de la cour de Blida: il l'attendait sévère puisque les termes de l'article 266 du Code pénal en eux-mêmes sont plus qu'éloquents quant à la volonté du législateur d'aller vers une justice «armée» contre tous les contre-courants qui peuvent naître au cours des débats souvent tumultueux. Tumultueux les débats car les parties en présence peuvent très bien présenter des preuves, des témoins et tout objet pouvant pousser le juge du siège à être fixé sans dommages. Dans cette affaire, le client de Maître Gueritli avait en face de lui la victime décidée à obtenir le maximum en «liquidités» et en peine infligées car s'estimant «mahgour», humilié, vil... Mme la Présidente, lorsque j'étais arrivé sur les lieux, j'ai vu Rachid, le voisin, armé d'une barre de fer prêt à la balancer sur papa. Affolé, sûr que je ne pouvais l'approcher à mains nues, je me suis armé d'un gourdin et sauté sur l'agresseur de mon père; vous vous rendez compte, madame la Présidente, et il faut que je vous dise...» Et puis, trois coups à la main droite, arrêtent l'inculpé dans sa tentative d'aller plus loin. «Ne dites plus rien du tout inculpé, cela suffit à la cour comme réponse à la question posée», coupe, tranchante, la Présidente qui n'oublie pas de passer sa petite main dans sa chevelure fraîchement peignée et bien en place pourtant. C'est alors que la magistrate du siège s'aperçoit que la victime lève la main voulant probablement apporter sa contribution... «Ouin, victime, vous voulez dire quelque chose?», demande, le regard fixe et sévère la magistrate du siège. «Oui, Mme la Présidente, c'est vrai que je me disputais avec son père mais avec de simples mots. Je n'avais rien dans les mains. Au contraire, c'est Bachir qui est venu en courant dans ma direction en tournoyant un gourdin. Il m'a de suite asséné deux coups sur les épaules. Deux autres coups destinés à mon crâne vont atterrir sur mon dos. Je suis incapable de vous dire si j'ai reçu douze ou vingt coups. J'avais si mal que je voulais vomir - c'est un sauvage et un...» -«Non, non, non! Ici pas d'insultes, ni dépassements. Vous êtes dans un tribunal et les propos de la rue restent dans la rue», rugit presque la juge qui venait d'avoir ce qu'elle voulait. Maître Gueritli pose une question à la victime qui refuse de répondre, voyant la déstabilisation arriver à grands pas. Oui, la question tournait sur le pourquoi de la dispute avec le papa. La magistrate donne raison à la victime et assure que ce que viennent de raconter les antagonistes suffit largement à la chambre correctionnelle qui n'a pas que ce dossier à traiter. Plus tard, le prévenu écopera de six mois de prison ferme - ou était loin des quatre ans. Le Procureur se lève et va faire un petit mini-réquisitoire dévastateur pour le détenu qui va avaler de travers lorsqu'il entendra le représentant du ministère public requérir la lourde peine de quatre ans d'emprisonnement ferme et deux cent mille dinars d'amende aussi ferme. Auparavant, la victime est invitée par la juge à effectuer ses demandes en dommages et intérêts outre cinquante mille dinars, une expertise. Maître Gueritli plaidera le fait que son client a défendu son papa avec beaucoup de force et de rancune. Au tribunal de Chéraga, l'inculpé avait écopé d'une peine de quatre ans ferme pour coups et blessures volontaires à l'aide d'une arme blanche et n'arrivait donc pas à avaler le verdict qu'il trouve plutôt tranchant... la juge ayant suivi le parquetier. A Blida, les trois juges Fatiha Brahimi, Chérifa Abboub et Malika Djabali ont leur manière de faire et leur intégrité et surtout leur courage devant des situations périlleuses car à Blida, n'est pas juge du siège qui veut, mais celui qui peut, qui peut dire non à l'injustice, non à la hogra, non à la malhonnêteté intellectuelle et même non à la magouille, surtout depuis que Boumediene Bacha, le procureur général avait été installé avec la réputation d'avoir tiré à bout portant sur ceux qu adoraient se lécher les phalanges trempées de miel, devenu depuis fiel. Belkacem, le président de la cour aime, lui, voir les fruits pourris, tomber un à un sur le sol plein de bouse...