Après l'arrestation et les procès des membres de la famille de l'ex-président tunisien et sa femme, Leila Trabelsi, et d'anciens ministres et personnalités politiques, c'était au tour, avant-hier, de l'Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt) d'être mise au banc des accusés. L'information est tombée tel un couperet dans la soirée de lundi. Le juge d'instruction près le Tribunal de première instance de Tunis a décidé, mardi, d'interdire à Abdeselam Jrad, secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), de quitter le territoire tunisien. Cette décision intervient après que ce dernier ait été cité dans un rapport établi par la Commission nationale d'investigation sur les affaires de corruption et de malversation. La télévision tunisienne avait également retransmis dans la soirée de lundi la conférence de presse au cours de laquelle ladite commission a rendu public le fameux rapport. La décision prise par le tribunal à l'encontre de M. Jrad a été jugée de «dangereuse» par cette commission. Le patron de l'Ugtt, faut-il le rappeler, est également secrétaire général de l'Union syndicale des travailleurs du Maghreb arabe, vice-président du bureau exécutif de la Confédération syndicale internationale et président de Forum syndical démocratique arabe. L'Ugtt riposte en annonçant que les travaux de sa commission administrative nationale resteront ouverts tant que cette «décision (...) n'aura pas été annulée», rapporte le site économique Investir en Tunisie. M. Jrad mais aussi quelques membres de sa famille seraient impliqués dans trois affaires de corruption et de malversation. Dans la première affaire, M. Jrad et les membres de sa famille sont accusés d'avoir obtenu d'une manière illégale des lots de terrain dans la parcelle connue sous l'appellation des «Jardins de Carthage». Alors que dans la deuxième affaire, l'homme fort de l'Ugtt est accusé d'être intervenu au profit de travailleurs de la société Peugeot afin d'imposer le remplacement de leurs congés par une contrepartie financière. La troisième affaire concerne sa requête auprès de l'ancien président Ben Ali afin d'intervenir en faveur du directeur de l'assurance Al Ittihad. Directement après l'annonce interdisant de voyager au secrétaire général de l'Ugtt, les membres du bureau exécutif de la centrale syndicale ont commencé à lancer depuis hier des grèves un peu partout dans le pays. Bien évidemment, les dirigeants de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), dont l'implication de l'ancien régime est un secret de Polichinelle, se montrent solidaires avec leur chef soupçonné de corruption. L'Ugtt est, en tout cas, décidée à continuer à appeler aux grèves dans plusieurs établissements. Le slogan «Touche pas à mon Ugtt» a été brandi hier matin devant le siège de l'Ugtt. Déjà paralysée depuis quelque temps par différentes grèves décidées par l'Ugtt qui voulait lancer un message clair que rien ne devrait se faire ou se décider sans elle, la Tunisie risque de sombrer dans le flou le plus total et de ne pas relever la tête de sitôt. Pour preuve, à quelques jours de la première réunion de l'Assemblée constituante et l'annonce dans deux ou trois jours des résultats des concertations entre Ennahda, Ettakatol et le CPR, la scène politique tunisienne se trouve confrontée à sa première crise post-électorale. Le processus de formation du nouveau gouvernement de coalition qui ne semble pas si simple qu'on ne le présente, est en train de se compliquer avec l'annonce du Forum démocratique pour le travail et les libertés, Ettakatol du Dr Mustapha Ben Jaâfar, de se retirer des trois groupes de travail tripartites- Ennahdha, CPR, Ettakatol- chargés de définir les politiques et les programmes de la prochaine période transitoire, et de répartir les maroquins. Raison de ce forfait: les vagues suscitées par l'évocation du 6e califat par Hamadi Jebali. Les journalites seront déférés devant le juge Le membre de la Commis-sion nationale d'établissement des faits sur les malversations et la corruption, Ezzedine Saïdane, a annoncé sur les ondes d'Express FM qu'une trentaine de noms, principalement des directeurs de journaux, des journalistes tunisiens et étrangers, sont impliqués dans le dossier fameux de l'Agence tunisienne de communication extérieure (Atce), qui est entre les mains de la justice. En effet, une instruction est ouverte depuis le 27 septembre 2011 sur le dossier de l'Atce, avec à la clé, une enquête sur les anciens directeurs généraux et les collaborateurs de l'agence ainsi que plusieurs journalistes tunisiens et étrangers. Le dossier Atce concerne des affaires de corruption financière, de gestion douteuse des finances de l'institution et de manque de transparence dans la rémunération de certains collaborateurs.