L'attribution (ou pas) du ministère de la Justice à un indépendant semble être la pomme de discorde entre Ennahda et le reste de la classe politique, notamment ses alliés au sein de la troïka, le CPR et Ettakattol. Tunisie De notre correspondant Le discours du chef du gouvernement, Hamadi Jebali, samedi, a laissé la classe politique sur sa faim. Point de remaniement ni de feuille de route claire. Cela n'a pas empêché aussi bien Ettakattol que le CPR d'y voir des signaux positifs concernant l'éventuelle levée de la mainmise d'Ennahda des ministères de souveraineté. Membre du bureau politique d'Ettakattol, Sami Rezgallah, y a, en effet, vu une réponse aux points soulevés par son parti, notamment «l'élargissement du remaniement aux ministères de la Justice et des Affaires étrangères, ainsi qu'un dialogue national au sein de l'ANC». Sami Rezgallah dit attendre que «ces propos passent à la phase de concrétisation». Il s'agit de la position officielle du parti, dont la direction s'est réunie le jour même du discours. Même son de cloche au CPR. Son secrétaire général adjoint, Imed Daïmi, pense que «contrairement aux spéculations de certains, la troïka n'est pas dans l'impasse. Les trois partis au pouvoir maintiennent un bon niveau de concertation». La feuille de route du chef du gouvernement a fait l'unanimité auprès des partis politiques, selon Imed Daïmi, qui a précisé que les revendications du CPR ont été, en gros, satisfaites. Il a cité «l'élargissement de la coalition gouvernementale, la civilité de l'Etat, la neutralité de l'administration, la fin des nominations controversées, ainsi que la mise en œuvre des réformes et de la neutralité de la justice». Au-delà des termes flous de Jebali, Daïmi et Rezgallah, les dernières tractations tournent autour de l'attribution du ministère de la Justice. Ettakattol et le CPR insistent sur la nomination d'une personnalité indépendante. Suspense Les deux partis ont proposé l'avocat Samir Annabi, nommé depuis le 29 mars 2012 à la tête de la commission de lutte contre la corruption et la malversation. Or, Ennahda résiste encore face à cette pression, consciente de l'importance de sa mainmise sur la justice. Ennahda a proposé de lâcher le ministère des Affaires étrangères, avec toute la symbolique associée, pour faire tomber le gendre de Rached Ghannouchi. Mais Ettakattol a refusé cette contre-proposition. A quel dénouement allons-nous assister dans ce feuilleton ? Le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, a clairement annoncé, dans sa déclaration de samedi dernier, qu'il allait présenter, dans les jours prochains, sa nouvelle équipe gouvernementale à l'Assemblée nationale constituante, même en l'absence d'un consensus. M. Jebali a justifié sa décision par une situation dans le pays «qui ne peut plus attendre davantage». Plusieurs observateurs ont compris, à travers ce message, que les islamistes d'Ennahda veulent mettre leurs alliés, Ettakattol et le CPR, devant le fait accompli. «C'est certes un risque à courir par les islamistes. Mais s'ils parviennent à sortir seuls du goulot d'étranglement, c'est la fin d'Ettakattol et du CPR», estime le politologue Hamadi Redissi. L'ex-Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, voit dans cette attitude un risque inutile à faire courir au pays. «Est-ce que Jebali va démissionner s'il échoue devant l'Assemblée ?», s'interroge-t-il, avant de souligner que «Nida'e Tounès est pour un consensus politique entre les acteurs de la scène, que l'Assemblée ne fait que parrainer». Au milieu de ces tergiversations, le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, a été obligé de prendre du repos. Une cure venue au bon moment pour permettre aux politiques de respirer un peu.