Des experts internationaux ont souligné jeudi que la pauvreté favorisait le terrorisme dans la région cruciale du Sahel et de nouveau souligné le risque que des extrémistes ne s'emparent d'armes libyennes. Quelque 150 experts du Forum Global de la lutte contre le terrorisme (FGLT) sont réunis à huis clos à Alger depuis mercredi pour étudier les moyens d'aider les populations des pays les plus concernés, comme la Mauritanie, le Mali, le Niger et l'Algérie. Selon des sources diplomatiques, des vues «convergentes» ont été notées durant ce Forum co-présidé par l'Algérie et le Canada, et qui a rassemblé une trentaine de pays, dont les Etats-Unis, la Turquie, la Russie, le Japon, la Libye, ainsi que l'Union Européenne. Une inquiétude commune est l'activité d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) au Sahel. Aqmi, qui compterait quelque 400 membres armés selon diverses sources, « profite de l'incapacité de l'Etat et occupe le terrain», a indiqué un expert européen sous couvert d'anonymat. La «stratégie se doit d'être globale sur le terrain» et il est nécessaire d'y traiter «l'ensemble des problèmes et résoudre les conflits qui restent dans la région», a-t-il ajouté, sans citer la question du Sahara Occidental. Il faut viser «le développement et la pauvreté», comme une première conférence des pays dit «du champ» l'avait souligné à Alger début septembre, a-t-il rappelé, notant que la Mauritanie (bien Mauritanie) et le Niger «s'y sont attelés». Le Mali, l'un des pays les plus pauvres d'Afrique, a pour sa part pressé les participants de l'aider dans sa tâche expliquant qu'il était «desservi par la géographie» étant donné que sa région nord, très montagneuse et difficile d'accès, sert de refuge à Aqmi. Le Maroc a pour sa part regretté qu'il y ait eu «fragmentation» avec la création du champ, dont il ne fait pas partie, selon d'autres sources. La Libye a également occupé une bonne partie des discussions, après la chute il y a deux mois du régime de Kadhafi. Il a été notamment question du devenir des Touareg, anciens alliés de l'ex-homme fort libyen revenus sur leurs terres armés, et des arsenaux d'armes sophistiquées non-protégés et livrés au pillage. Mardi, le chef du groupe de travail spécialisé américain sur les missiles sol-air portables (man-portable air defense systems, Manpads), Derrin Smith, affirmait à Alger qu'il n'y avait pas de «preuves, d'indications confirmées qu'il y ait des Manpads libyens tombés entre les mains de malfaiteurs ou de groupes terroristes». En outre, l'Algérie, les Etats-Unis et d'autres pays, ont réitéré le danger de payer des rançons dans les affaires de rapts et Alger a insisté pour que cette pratique soit «criminalisée» par l'ONU qui ne fait que la «condamner». Au-delà du Sahel, les experts ont discuté des liens éventuels d'Aqmi avec les islamistes nigérians de Boko Haram, qui ont revendiqué plusieurs attentats sanglants au Nigeria avec un modus operandi semblable. Les Nigérians ont affirmé détenir des «preuves» de tels liens après l'arrestation de membres de la secte, selon un participant. La question des frontières, un «contrôle d'espaces gigantesques», nécessite un échange important d'informations entre pays frontaliers, a également été un «thème récurrent». Certes il y a le Cemoc, réunissant les états-major des pays du champ à Tamanrasset (extrême sud algérien) et l'échange de renseignements, mais jugé encore «insuffisant». Les travaux de ce Forum se sont achevés sans communiqué. Le FGLT a été créé le 22 septembre à New York sous l'impulsion du coordonnateur de la lutte anti-terroriste au Département d'Etat américain Daniel Benjamin, présent à Alger.