De nouveaux heurts ont éclaté lundi entre les forces de l'ordre et des milliers de manifestants réclamant la fin du pouvoir militaire en Egypte qui fait face à sa plus grave crise depuis la chute de Hosni Moubarak, avec 24 morts en trois jours. A une semaine des premières élections législatives depuis la démission de l'ancien président, ces heurts font craindre que le scrutin, qui doit s'étaler sur plusieurs mois, soit émaillé de violences. Selon le ministère de la Santé, 24 personnes ont été tuées et des centaines d'autres blessées au cours des trois derniers jours d'affrontements, notamment sur la place Tahrir au Caire, épicentre du soulèvement populaire au début de l'année. La colère gronde de plus en plus contre le Conseil suprême des forces armées (CSFA) en charge de la transition du pays vers la démocratie, mais accusé de vouloir se maintenir au pouvoir, de ne pas tenir ses promesses de réformes et de poursuivre la politique de répression de l'ère Moubarak. Des mouvements égyptiens, dont la Coalition des jeunes de la révolution et le mouvement du 6 avril, ont appelé à une manifestation massive mardi à 16H00 (14H00 GMT) sur la place Tahrir pour réclamer la fin du pouvoir militaire, la démission du gouvernement d'Essam Charaf, nommé par le CSFA, et la formation d'un «gouvernement de salut national». Au Caire, 21 personnes sont décédées par des balles réelles ou mortes d'asphyxie en raison des nombreux tirs par la police de grenades lacrymogènes, selon le responsable d'une morgue. Un homme avait péri samedi à Alexandrie (nord). Face à ces violences qui rappellent par leur violence les scènes de la révolte contre le régime, le ministre égyptien de la Culture, Emad Abou Ghazi, a présenté sa démission pour « protester» contre la gestion de la crise par le gouvernement. Dans le même temps, la Ligue arabe, qui s'exprimait pour la première fois sur ces événements, a appelé au calme, exhortant les acteurs politiques à travailler au «changement démocratique». Sur les marchés, la Bourse du Caire a chuté de 4,04%, l'indice EGX-30 tombant à 3.860,99 points. Sur la place Tahrir, la police tirait toujours des grenades lacrymogènes sur les manifestants, qui répondaient en jetant des pierres, répartis en petits groupes sur la place et aux alentours de ce lieu emblématique. Les accrochages les plus durs se déroulaient, eux, aux abords du ministère de l'Intérieur, cible privilégiée des manifestants et sous forte garde des forces anti-émeutes, près de la place. La télévision publique a continué de retransmettre ces scènes en direct, comme elle le fait depuis le début des affrontements. Les manifestants réclament la fin du pouvoir militaire qui s'est installé au départ de M. Moubarak. Les slogans visent en particulier le maréchal Hussein Tantaoui, un cacique de l'ancien régime qui est chef d'Etat de facto. «Nous avons renversé seulement Moubarak, mais son régime et la junte militaire sont encore là», affirme Hossam el-Hamalawy, un militant de gauche. «Ce qui ce passe, c'est la suite de la révolution», explique ce membre des « révolutionnaires socialistes». «Le pouvoir doit être transmis aux civils», martèle Mohammad Anwar, un employé 31 ans. «Les salauds qui nous dirigeaient avant sont toujours en place. Je ne vois aucune différence entre aujourd'hui et le 25 janvier», date du début du soulèvement populaire. Dimanche et durant toute la nuit, des milliers de manifestants ont lancé des pierres et des cocktails molotov en direction des policiers, qui tiraient des balles en caoutchouc, mais également des grenades lacrymogènes que des manifestants leur renvoyaient en criant «le peuple veut l'exécution du maréchal». L'armée s'est engagée à rendre le pouvoir aux civils après l'élection d'un nouveau président, mais la date de la présidentielle qui doit suivre les législatives n'est pas encore connue. L'armée a dit «regretter» les violences, appelant le gouvernement a rencontrer les forces politiques pour y mettre fin, tout en réaffirmant s'en tenir au calendrier électoral établi. A l'étranger, la France s'est dit «vivement préoccupée» par les affrontements, appelant forces de l'ordre et manifestants à faire preuve de «responsabilité». La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton avait estimé que la loi et l'ordre devaient être assurés «dans le respect des droits de l'Homme», tandis que Londres avait «condamné la violence» et que Rome et Berlin avaient exprimé leur «profonde préoccupation». Les Etats-Unis «profondément inquiets», ont appelé «à la retenue».