L'ancien numéro un de l'ex-FIS n'a pas mis longtemps pour annoncer la couleur. L'ex-président du parti dissous, Abassi Madani, n'a même pas pris la peine de s'installer convenablement dans son pays d'asile, en Malaisie, où il était censé subir des soins, pour sortir de sa «réserve» via les ondes très largement diffusées de la chaîne qatarie Al-Jazira. C'est une sorte de «discours à la nation» auquel s'est livré cet homme, dans une déclaration diffusée dimanche soir et largement reprise et commentée par la plupart des médias internationaux. Abassi Madani, dans cette sortie qui en annonce forcément plein d'autres si rien n'est fait pour y remédier en le forçant à respecter les interdits dont il est frappé lui et Ali Benhadj, s'est voulu en quelque sorte conciliant, comme une sorte d'essai de voix en attendant que les vraies attaques commencent à fuser. Dans son adresse au peuple, Abassi Madani exhorte ce dernier à «oeuvrer de concert pour sortir du sombre tunnel dans lequel se trouve l'Algérie». En ce sens, il ne lui est rien moins demandé que de «prendre une position historique» que le président du FIS dissous se garde pour le moment de dire laquelle, même s'il n'échappe à personne qu'il ne peut s'agir que du choix du futur candidat à la présidentielle d'avril 2004. Dans ce véritable discours, intégralement retransmis par Al-Jazira qui aurait même payé les droits de reproduction exclusifs de toutes les sorties de cet homme très médiatique, Abassi Madani place le peuple algérien face à ses «responsabilités historiques» devant les alternatives qui «sont au nombre de deux». A en croire Abassi Madani, «la première consiste à adopter un front commun et consensuel, hommes et confondus, pour faire barrage à la crise multidimensionnelle, politique, économique, urbanistique (sic!) et sociale qui mine le pays depuis de trop nombreuses années». «La seconde, pour incroyable que cela paraisse, consisterait en le retour du colonialisme». L'orateur, toutefois, n'explique pas en quoi peut consister ce «colonialisme» qui ne peut en aucune manière être le même que celui que notre pays a vécu avant 1962. Il signifierait, selon des sources islamistes jointes hier par téléphone, «l'arrivée au pouvoir de responsables illégitimement élus». Car, même si le message donne l'air d'être «soft», l'apparence dans ce cas de figure, estiment les observateurs, est on ne peut plus trompeuse. Nos sources commencent par rappeler que «cette sortie médiatique en elle-même constitue un défi aux autorités algériennes puisqu'une série de dix interdits lui a été signifiée et qu'il a acceptée en acceptant de signer la fin de sa mise en résidence surveillée». Les experts voient carrément en ce discours «les prémices d'un nouveau bras de fer entre la mouvance islamiste basée à l'étranger et les pouvoirs publics, puisque Abassi ne semble pas avoir apprécié, à sa juste valeur, le geste du pouvoir qui lui a permis de quitter le territoire national pour aller se soigner alors qu'il est privé de ses droits civiques, y compris de son passeport et, partant, de sa libre circulation». Sur sa lancée, et même si les idées ne sont pas clairement explicitées dans cette première sortie, Abassi Madani donne l'air de rejoindre les thèses des dirigeants du parti dissous basés à l'étranger en sous-entendant que «l'interruption du processus électoral de janvier 92 est toujours à l'ordre du jour». De nombreux anciens cadres de ce parti, dans de précédentes déclarations, faites aussi bien à nous qu'à d'autres médias, avaient insisté sur le fait que «le FIS reviendrait sous une forme ou une autre». Nul doute que le parti dissous jouera à fond la carte de son leader réfugié à l'étranger à la faveur de la présidentielle où la surenchère peut atteindre des limites à peine imaginables pour le simple citoyen. Les choses «sérieuses» ne font que commencer...