«Vous m'avez parlé de la presse. Il y a des problèmes économiques. Pour une raison très simple, ceux qui ont payé sont sortis. J'espère que les autres payeront et sortiront». C'est en ces termes simplistes que Ouyahia a commenté la situation que traverse actuellement la presse nationale. Réduire la cabale organisée par le pouvoir contre six titres de presse à une affaire purement économique, c'est vouloir tromper l'opinion publique. En fait, ce que ne dit pas le chef de l'Exécutif, c'est qu'en terme de règlement des dettes, L'Expression est quasiment à jour. Comme expliqué dans la lettre ouverte adressée au Chef du gouvernement, notre journal dispose d'une créance auprès des institutions publics égale au restant de la dette réclamée par l'imprimeur. Autant dire que nous devons à l'Etat ce que son imprimerie nous doit. La règle économique voudrait que le gouvernement s'acquitte lui aussi de ses dettes envers L'Expression. Vu sous l'oeil strictement commercial, l'attitude du pouvoir en direction de L'Expression relève de la hogra purement et simplement. En effet, d'un côté, il exige d'une entreprise économique de payer rubis sur l'ongle ses redevances, d'un autre, il se donne le droit de ne pas honorer les engagements commerciaux de structures, pourtant relevant de sa responsabilité en tant que Chef du gouvernement. En s'agrippant à l'argument économique, Ouyahia ne fait ni plus ni moins que de se décrédibiliser auprès de l'opinion publique. Il passe pour le représentant d'un Etat qui ne tient pas ses engagements et met en péril une entreprise économiquement rentable. Aussi, la thèse qu'il soutient ne tient aucunement la route, d'autant que le montant global de la dette de la presse auprès des imprimeries d'Etat, s'élèvent à plus de 350 milliards de DA. Dans cette opération «récupération des créances», les quatre imprimeurs publics n'ont récupéré que 72 milliards de DA. La logique économique voudrait pourtant que la Simpral, la SIA, la SIE et la SIO réclament leur dû à tous leurs clients et pas seulement à six quotidiens. Les propos tenus par le Chef du gouvernement n'ont donc aucun fondement et ne convainc personne. On en a pour preuve d'ailleurs, quelques jours seulement après la reparution des titres, ces derniers font l'objet d'un harcèlement judiciaire caractérisé. Les plaintes qui pleuvent contre Le Matin et Liberté sont difficilement dissociables de la tentative de museler la presse privée, même si Ouyahia tient à séparer les deux affaires. Alors de grâce Monsieur le Chef du gouvernement, faites preuve d'un peu d'imagination et développez un discours moins simpliste. Tous les Algériens savent que la mesure prise le 17 août dernier n'a rien d'économique. Elle procède d'une logique tout aussi simpliste qui veut que le pouvoir traite sans pitié, tout titre qui ne l'arrange pas et accorde ses largesses à d'autres. Cela s'appelle du favoritisme politique et cela n'a rien à voir avec l'économie.