La page Mahmoud Abbas a été tournée après la désignation d'Abou Alaa au poste de Chef de gouvernement. Yasser Arafat a désigné, dimanche, un remplaçant pour Mahmoud Abbas qui démissionna la veille de son poste de Premier ministre, résultat d'un conflit de compétence qui tourna finalement à l'avantage du président de l'Autorité palestinienne. La désignation d'Ahmed Qoreï, président du Conseil législatif palestinien, (Clp, Parlement) à la tête du gouvernement palestinien était en fait attendue. En réalité, la nomination d'Ahmed Qoreï, (Abou Alaa), n'est pas une surprise pour les observateurs et analystes du champ politique palestinien. Contrairement à Abou Mazen, certes compagnon de route de longue date d'Abou Ammar, mais dont les relations se sont tendues ces dernières années, Ahmed Qoreï présente lui, la particularité d'être très proche de Yasser Arafat et également réputé d'avoir l'oreille du président palestinien. Toutefois, l'intéressé demeure très prudent et n'a pas encore hier, officiellement, accepté la mission que lui offre le président Arafat. En fait, Ahmed Qoreï conditionne son acceptation à de sérieuses garanties de la part des principaux parrains du processus de paix, de même que celle d'Israël, dont il attend plus d'implications dans la mise en oeuvre de la «feuille de route». L'Union européenne a répondu positivement à l'appel de M.Qoreï, comme l'indique M.Ghisi, consul général d'Italie à Jérusalem (l'Italie assure la présidence tournante de l'UE) qui a déclaré, après avoir rencontré le Premier ministre désigné, «j'ai rencontré à sa demande M.Qoreï et lui ai réitéré le soutien total des Européens». Pour sa part, le consul américain dans la même ville, rappelait hier la position des Etats-Unis comme l'indiquait le porte-parole du Département d'Etat, Richard Boucher, selon lequel «le consul général en exercice, Feltman a dit clairement ce que nous avons dit en public, ainsi qu'en privé, c'est-à-dire que le Premier ministre (Palestinien) doit agir sur la sécurité et pour l'instant c'est notre préoccupation principale». Israël affiche un scepticisme total, comme le déclare le chef de la diplomatie israélien, Sylvan Shalom, selon lequel «cette nomination ne permettra pas la moindre avancée pour le processus de paix tant qu'Arafat continue à tirer les ficelles». Toutefois, Ahmed Qoreï, qui ne «veut pas échouer» conditionnant son accord à des garanties internationales solides, a encore relancé les Israéliens en adressant un message, selon le quotidien de Tel-Aviv Yédiot Aharonot, au Chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, dans lequel Abou Alaa a estimé que «le succès du processus de paix dépend de la politique et des actes d'Israël sur le terrain. Si vous souhaitez que je réussisse aidez-moi» affirmant «je ne veux pas échouer et je veux vérifier s'il est possible de conclure la paix ou non». De fait, le Premier ministre désigné ne faisait là que réitérer ce qu'il déclarait dimanche dès l'annonce de sa désignation, affirmant «j'ai été pressenti, mais je n'ai pas encore accepté, car j'attends de voir quel type de soutien j'aurai de la part des Américains et des Européens pour que je puisse changer la situation sur le terrain pour les Palestiniens». Echaudé par l'expérience de son prédécesseur, Ahmed Qoreï veut réunir tout les atouts qui lui permettent d'accepter une mission loin d'être de tout repos. D'autant plus que le conflit de compétence sur le contrôle des services de sécurité, qui précipita le départ de Mahmoud Abbas, demeure entier, du fait qu'en ne disposant pas de la totalité des services de sécurité, le gouvernement palestinien continuera à voir son action sur le terrain limitée. Donc cette pomme de discorde demeure une épée de Damoclès pour le gouvernement que Ahmed Qoreï, s'il en accepte la responsabilité, doit composer dans les cinq semaines suivant son acceptation. Toutefois, demeure la lecture du plan de paix dit de la «feuille de route» que s'en font les Palestiniens d'une part, les Israéliens et les Américains d'autre part. Au moment où les premiers appellent à une mise en oeuvre globale du plan de paix, Israéliens et Américains semblent, en revanche, en privilégier le seul aspect sécuritaire consistant selon Washington et Tel-Aviv dans le «désarmement et le démantèlement» des groupes «terroristes» palestiniens, évacuant de leurs propos les obligations inhérentes à Israël par la «feuille de route» qui prévoyait le retrait de l'armée israélienne d'occupation des villes palestiniennes réoccupées depuis le début de l'Intifada et le démantèlement des colonies juives de peuplement. Or, non seulement l'armée israélienne ne s'est pas redéployée, mais elle a même accentué la répression du peuple palestinien. Il y a eu lors des derniers mois, outre l'implantation de nouvelles colonies, le renforcement de celles déjà existantes par la construction de nouvelles habitations et tout cela le plus officiellement du monde suivant des appels d'offres du ministère israélien de l'Habitat. Aussi, cette lecture biaisée du plan de paix outre d'handicaper les Palestiniens, donne l'impression que l'objectif premier de la «feuille de route» est de dissuader les Palestiniens de résister à l'occupation et d'accepter «l'Etat» qu'Israël voudra bien leur concéder. Sans doute que les partenaires du quartette, (l'ONU, L'UE et la Russie), sous l'égide desquels la «feuille de route» a été mise au point, sont appelés à préciser leur position sur le plan de paix et sa mise en oeuvre, de même que de donner leur sentiment sur la lecture qu'en font les Etats-Unis, le quatrième membre ayant supervisé le plan de paix. Abbas a échoué à cause de l'ambiguïté du plan de paix et il ne fait pas de doute dès lors, que si la mise en oeuvre de la feuille de route continue à être unilatérale, Ahmed Qoreï n'aura aucune chance de réussir, là où son prédécesseur a déjà échoué. Comme le montre le fait qu'Israël a totalement ignoré l'appel que lui lançait le Premier ministre palestinien désigné, Ahmed Qoreï, d'oeuvrer de concert pour instaurer le plus rapidement possible un cessez-le-feu. Le président Arafat a certes annoncé dans la soirée de lundi, l'acceptation par le président du Parlement, la nouvelle mission qui lui est confiée, sans cependant que cette affirmation ait été confirmée par M.Qoreï. Il reste toutefois à relever que, s'il y a un enseignement à tirer de la crise de pouvoir qui a secoué l'Autorité palestinienne ces derniers jours, et qui s'est traduite par le départ de Mahmoud Abbas, c'est le fait que le président palestinien élu, est plus que jamais incontournable et l'assiégé de Ramallah, demeure l'homme de la situation que, d'une manière ou d'une autre, les acteurs du dossier israélo-palestinien ne peuvent plus ignorer ou feindre d'ignorer, car la paix au Proche-Orient ne pourra se faire contre Yasser Arafat et encore moins sans lui.