Tous les Palestiniens demeurent suspendus aux conséquences du bras de fer opposant leurs deux principaux dirigeants, et duquel dépend l'avenir de la Palestine. Arafat, le président symbole pour le peuple, refuse d'être marginalisé comme l'exigent Israéliens et Américains alors que Abou Mazen n'est nullement disposé à servir de Premier ministre alibi et demande à exercer toutes les prérogatives inhérentes à sa fonction. Pour montrer sa détermination, il a remis sa démission hier. Soutenu par les états-Unis et Israël, qui voient en lui le seul palestinien à même de faire avancer réellement le processus de paix, Mahmoud Abbas a fini par remettre le tablier, hier, au président de l'autorité palestinienne. Pressé par les Américains et les Israéliens, qui ne veulent plus entendre parler de Yasser Arafat, le Chef du gouvernement palestinien refuse d'exercer une fonction sans les prérogatives du poste. Cela dit le numéro un de l'OLP, conforté par le refus de l'Union européenne d'emboîter le pas à Washington et Tel-Aviv quant au rôle de Yasser Arafat dans le processus de paix, est toujours en position de force sur le plan interne. En effet, le président palestinien bénéficie encore de la confiance des principales personnalités palestiniennes, y compris les radicaux islamistes du Hamas et du Djihad islamique, sans oublier les principaux négociateurs qui restent acquis à sa cause. L'exemple de Saeb Erakat, auquel Abou Mazen vient de rendre son poste de premier responsable des négociations, renseigne énormément sur l'influence du vieux leader, qui n'avait guère apprécié sa mise à l'écart. Aujourd'hui, Mahmoud Abbas, devenu un élément incontournable dans la mise en œuvre de la “feuille de route” du quartette, a perdu ces derniers temps de son aura vis-à-vis de ses concitoyens, et ce, depuis la rupture de la trêve à la suite de la reprise des raids ciblés de l'armée israélienne. Démuni des prérogatives lui permettant d'opérer à sa guise, le premier ministre palestinien a été acculé par les états-Unis et Israël, qui exigeaient des résultats sécuritaires immédiats, et par les groupes armées radicaux, décidés désormais à ne plus parler de paix avec l'état hébreu. Face à cette situation ambiguë, Abou Mazen a sollicité les parlementaires palestiniens pour trancher au sujet de sa position. Il a demandé soit un soutien clair soit son renvoi du poste. Mais comme le Conseil législatif palestinien est beaucoup plus acquis à Yasser Arafat et devant la lenteur de la réaction, il a fini par remettre, hier matin, sa lettre de démission. Le départ de Mahmoud Abbas n'est pas, non plus, une opération aisée pour les Palestiniens, en raison de la pression américaine pour son maintien. Sa démission équivaut à l'annulation pure et simple de l'éventualité de la création d'un état palestinien d'ici à 2005, comme le prévoit la feuille de route du quartette. Les Palestiniens et plus particulièrement Yasser Arafat se retrouvent maintenant au pied du mur, car ni les Américains ni les Israéliens ne veulent entende parler de son remplacement. Dans ce cadre, et en réaction à la démission de Mahmoud Abbas, un haut responsable israélien a déclaré que le Premier ministre palestinien “reste le seul interlocuteur d'Israël chez les Palestiniens pour tout ce qui a trait au processus de paix”. K. A. Chronologie d'une démission annoncée MARS 19 : Le numéro deux de l'OLP, Mahmoud Abbas, alias Abou Mazen, un modéré, accepte la proposition du président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat, de prendre les fonctions de Premier ministre et de former un nouveau gouvernement. En février, cédant aux fortes pressions internationales, notamment des états-Unis, le dirigeant palestinien avait donné son accord à la création d'un poste de Premier ministre. AVRIL 20 : Le Premier ministre désigné menace de démissionner, à la suite d'un conflit avec Yasser Arafat sur le choix du futur ministre de l'Intérieur qui contrôlera les services de sécurité. 23 : Accord entre Yasser Arafat et Mahmoud Abbas sur la composition d'un gouvernement, à quelques heures de l'expiration du délai légal imparti. 29 : Le Parlement palestinien vote l'investiture de Mahmoud Abbas à la majorité de 51 voix pour, 18 contre et 3 abstentions. Il lève ainsi le dernier obstacle à la publication de la "feuille de route", un plan de paix international prévoyant la création d'un Etat palestinien d'ici à 2005. Le premier chef du gouvernement de l'Autorité palestinienne s'engage à "mettre fin au désordre et à l'anarchie des armes". 30 : Le nouveau gouvernement prête serment auprès de Yasser Arafat. Mahmoud Abbas qui s'est arrogé le ministère de l'Intérieur que M. Arafat voulait confier à l'un de ses fidèles, écarte la vieille garde du Fatah de certains postes-clés qu'il confie à des représentants du courant réformateur. MAI 16 : Première crise : Le ministre chargé des négociations, Saêb Erakat, annonce sa démission, acceptée le lendemain lors du premier Conseil des ministres réuni à Gaza. 17: Première rencontre officielle à Jérusalem entre Mahmoud Abbas et son homologue israélien Ariel Sharon pour discuter du plan de paix. 17 au 19 : En perpétrant cinq attentats suicide qui coûtent la vie à 12 Israéliens, les groupes armés palestiniens opposent une fin de non recevoir à M. Abbas qui veut les convaincre d'observer une trêve. JUIN 4 : Au sommet d'Aqaba (Jordanie), la "feuille de route" est ratifiée par les Premiers ministres israélien et palestinien, en présence du président américain George W. Bush. M. Abbas dénonce "le terrorisme et la violence, sous toutes ses formes, contre les Israéliens" et s'engage à y mettre fin, s'attirant les foudres du Hamas. 29 : Les principaux groupes armés Hamas et DJihad islamique puis le Fatah annoncent une trêve immédiate des attaques anti-israéliennes. JUILLET 7 : Mahmoud Abbas présente sa démission du comité central du Fatah, suite à de sévères critiques sur sa manière de conduire les négociations avec Israël. Sa démission est rejetée. 9 : Les Etats-Unis annoncent une aide directe aux Palestiniens, un tournant qui traduit la volonté de Washington de soutenir M. Abbas, et de lui permettre d'asseoir son autorité. AOÛT 20 : Au lendemain d'un attentat suicide qui fait 21 morts et une centaine de blessés à Jérusalem-Ouest, Mahmoud Abbas rompt les contacts avec le Hamas et le Djihad islamique. 24 : Nouvelles tensions au sein de la direction palestinienne au sujet du contrôle des forces de sécurité, M. Abbas refusant de se laisser imposer un ministre de l'Intérieur par le Fatah. 25 : Yasser Arafat nomme l'ancien chef de la Sécurité préventive en Cisjordanie, Jibril Rajoub, au poste de conseiller aux affaires de sécurité, pour l'aider à restructurer les services de police. Washington, qui réclame depuis plusieurs semaines au chef de l'Autorité palestinienne de remettre l'entière responsabilité de l'appareil de sécurité à M. Abbas, désapprouve cette nomination. SEPTEMBRE 3 : L'Autorité palestinienne affirme qu'elle reste liée par la "feuille de route", en dépit de propos attribués à son président Yasser Arafat jugeant ce plan de paix "mort".