La décision d'Israël de faire expulser le président Arafat a induit une réaction en chaîne de la part de la communauté internationale. En décidant du principe de «l'expulsion» du président Arafat, le cabinet Sharon vient de franchir un nouveau pas dans l'escalade anti-palestinienne. Aussi, il ne fait pas de doute que si cette menace est mise à exécution elle aura des conséquences grave sur la stabilité de l'ensemble de la région du Proche-Orient. De fait, par sa réaction unanime la communauté internationale tout en condamnant cette décision irréfléchie, montre son inquiétude face à la dégradation d'une situation marquée encore par le s de l'armée d'occupation israélienne contre la population palestinienne. Israël semble avoir définitivement opté pour la force dans le vain espoir d'amener à résipiscence les Palestiniens, qui décidément n'ont plus rien à perdre, comme ne semble pas l'avoir compris la communauté internationale qui continue à se montrer indulgente, voire pusillanime, avec le terrorisme d'Etat israélien. Si Israël tente depuis deux ans de mettre hors jeu le président Arafat, estimé «caduc» par le chef de gouvernement israélien, Ariel Sharon, et obstacle à la «paix», c'est bien parce que Abou Ammar est le dernier rempart à la «pax israéliana» que le cabinet Sharon veut imposer aux Palestiniens. Cela, d'autant plus que Sharon n'a jamais caché que le seul Etat qui sied aux Palestiniens ce seront des bantoustans étroitement surveillés par les chars et les blindés de l'armée d'occupation israélienne. Un apartheid revu et corrigé par Israël. Aussi, se «débarrasser» de Yasser Arafat, comme vient de le décider le cabinet Sharon est-il devenu pour Israël la priorité des priorités, le gouvernement israélien ne semblant s'embarrasser d'aucune prudence, ni tenir compte du tollé soulevé dans le monde, et si jamais il y avait un sursis à exécution de la menace c'est bien du fait du non de Washington, qui, s'il adhère au principe de l'isolement du président palestinien, refuse toutefois de le voir expulser, non point en relation avec les principes du droit international, mais parce que, selon le Département d'Etat américain, un Arafat en liberté risquerait d'être plus «nuisible» pour les tentatives d'instaurer la paix américano-israélienne. Aussi, ce n'est guère le sort du président palestinien qui inquiète les Etats-Unis, mais bien la suite des évènements qui risquent dès lors de se détériorer davantage eu égard à la réaction négative de la communauté internationale et aux menaces des groupes de résistance palestiniens prêts à engager une guerre totale. Hôte du président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, le président égyptien, Hosni Moubarak, n'a pas manqué d'affirmer que «l'expulsion d'Arafat serait une monumentale erreur» avertissant: «Cela pourrait conduire à une situation très dangereuse, à une escalade de la violence, du terrorisme». Pour sa part, M.Berlusconi, président en exercice de l'Union européenne, réitéra que «la feuille de route est l'unique espoir que nous avons», indiquant «La paix ne peut être que le résultat d'une négociation et chacune des parties doit se montrer raisonnable et faire preuve de patience». C'est bien là le noeud gordien de l'affaire, Israël n'entendant pas négocier mais imposer sa conception de la paix laquelle ne saurait être qu'israélienne, les Palestiniens devant, de gré ou de force, s'incliner devant le diktat d'Israël. Pour le président français, Jacques Chirac, «Yasser Arafat est l'autorité légitime, le représentant légitime de l'Autorité palestinienne», ajoutant: «Je pense, je crois que l'Union européenne considère également, que ce serait une grave erreur de chercher à l'éliminer du champ politique». Or, en Israël il est bien question d'éliminer, dans le sens de tuer, le président palestinien coupable de résister au diktat israélien. Selon le quotidien israélien, Yédiot Aharonot, Shaoul Mafaz, ministre de la Défense et principal partisan de l'expulsion du président Arafat, aurait déclaré que «l'expulsion de Arafat est un minimum. Il ne faut pas exclure sa liquidation». Dans cette hystérie anti-Arafat, le quotidien Jérusalem Post est allé jusqu'à écrire, hier, dans un éditorial «Trop c'est trop (...) Nous devons tuer Yasser Arafat (...)». Ce véritable appel au meurtre indique en fait l'état d'esprit d'une population qui ne sait plus où se trouve l'intérêt même d'Israël, conditionnée qu'elle est depuis des années du fait qu'Israël avait tous les droits, qu'il n'a de compte à rendre à aucune loi ou droits internationaux et que seul Israël décide devant lequel tout le monde, singulièrement les Arabes, doit plier face à son diktat. Il est évident que les Israéliens, dont les dirigeants ont délibérément vidé le contenu des accords de paix d'Oslo, signés un 13 septembre de 1993, voici tout juste dix ans, n'ont jamais en réalité accepté de co-exister avec un Etat palestinien indépendant et souverain. Mais, les menaces qui pèsent sur le président palestinien ont, a contrario mis en exergue la popularité immense auprès de son peuple d'un homme qui reste le symbole de la résistance palestinienne qu'il conduit depuis quarante ans. Réagissant à la décision israélienne, le conseiller du président Arafat, Nabil Abou Roudéina, a averti que toute tentative de bannir M.Arafat «porterait un coup fatal au processus de paix et aux efforts internationaux» indiquant: «Nous appelons la communauté internationale, en particulier les Etats-Unis, à mettre un terme aux menaces israéliennes contre le peuple palestinien et sa direction (...) si la communauté internationale souhaite la sécurité, la paix et le calme dans cette région». Plus incisif, le secrétaire général de l'Autorité palestinienne, Ahmed Abderrahmane, met en garde «contre les conséquences catastrophiques (d'une éventuelle expulsion) qui conduirait la région au bord de l'abîme». Le président Arafat réagissant lui-même à cette menace a affirmé hier que «personne ne me chassera (du QG de la Moukataâ à Ramallah)» alors que l'un de ses anciens conseillers, Ahmed Tibi affirme: «Arafat ne se laissera pas prendre vivant, il a un pistolet et il s'en servira». C'est dire que la situation dans les territoires est devenu, ou est sur le point de devenir, incontrôlable comme l'indique le communiqué des Brigades des Martyres d'Al-Aqsa, proches du Fatah du président Arafat, lesquelles proclament (...) à haute voix que «si cette décision est mise à exécution, nous allons nous en prendre à tout Israël et frapper partout sans exception. Il n'y aura pas de ligne rouge et nous ne ferons pas la distinction entre grands et petits». Sharon cherche-t-il à déclencher l'apocalypse en Israël et dans les territoires palestiniens occupés? N'est-il pas aujourd'hui le seul obstacle à la conclusion de la paix au Proche-Orient, si jamais Yasser Arafat en a été un? C'est en ces termes qu'a réagi hier, l'ancien président travailliste de la Knesset, Parlement israélien, Avraham Burg, selon lequel la décision d'expulser Yasser Arafat «est une décision infantile et très dangereuse qui ne peut que nuire à Israël car de deux choses l'une: ou nous réussissons à expulser Arafat sans en faire un martyr et il sortira renforcé ou bien nous ne mettons pas à exécution la menace et en ce cas il était inutile de la proférer» ajoutant: «S'il est vrai que Arafat est un obstacle à la paix, Sharon l'est aussi, pourtant il à l'idée de personne que c'est aux Palestiniens, et non aux Israéliens, de s'en débarrasser». Si aujourd'hui les choses sont arrivées à cette extrémité c'est bien du fait de l'amalgame qui est fait entre résistance et terrorisme, certes largement aidé par les attentats anti-américains du 11 septembre 2001, et singulièrement du traumatisme qu'ont subi les Américains convaincus par le boucher de Sabra et Chatila que les Palestiniens ne sont que des taliban du Proche-Orient, bons à tuer et à neutraliser (cf. les assassinats ciblés des dirigeants politiques et militaires palestiniens avec l'approbation tacite de Washington). Les Palestiniens mis au pied du mur et convaincus, à leur tour, qu'il n'ont plus rien à perdre, menacent de mettre la région, comme le promettent les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, «au bord de l'abîme». L'éventuelle expulsion d'Abou Ammar s'ouvrira à n'en pas douter sur l'inconnu.