La vie est dure au camp 27 «Notre combat pour la libération de notre pays anime nos esprits et raffermit nos convictions. Rien n'arrêtera les Sahraouis pour arracher leur indépendance et leur liberté.» «La liberté et l'indépendance sont les premiers mots que nous avons tétés au sein de nos mères», témoigne Bachir, un jeune Sahraoui rencontré lundi soir au camp des réfugiés, baptisé «le Camp 27». Pour lui et ses frères sahraouis, ces mots ne sont pas une vaine expression. Pour ces combattants, il est temps de se taire et cesser de croire que le discours peut se substituer au langage des armes. Fier d'être un Sahraoui, Bachir, vêtu d'une tenue à moitié militaire, accompagné d'une foule de femmes, orgueilleusement habillées de leurs tenues traditionnelles aux couleurs arc-en-ciel, se sont précipités pour nous accueillir à peine descendus de notre bus à destination du camp 27. «Vous êtes Algériens, bienvenue chez vous chers frères», dit en choeur une foule de personnes. Sur les lieux, il fait une ambiance festive et rassurante. Filles et garçons grouillent pour nous y rencontrer, bambins compris. Une dizaine de femmes prennent du coup les mesures nécessaires pour nous installer dans des tentes aménagées à leurs invités, qui y transitent pour rejoindre Tifariti. La deuxième zone militaire sahraouie, se trouvant sous les ordres du commandant en chef, Brahim, se situe dans les territoires libérés en 1980. C'est là, à Tifariti, que se tient le XIIIe Congrès du Front Polisario dont l'ouverture était prévue pour le 15 décembre. Le camp 27 situé sur le sol algérien abrite une grande partie des symboles de la lutte armée et dirigeants sahraouis, en l'occurrence, leur Président, Mohamed Abdelaziz et son ministre de la Défense, Mohamed Lamine Bouhalli, l'un des symboles de la résistance armée du peuple sahraoui aussi bien contre les Marocains et les Mauritaniens en 1975. L'indépendance ou le champ d'honneur Les riverains rencontrés au cours d'une nuit passée parmi eux dans leur camp, témoignent de leur soif de liberté et leur ferme volonté de mourir en martyrs pour arracher l'autodétermination de leur peuple. Hommes et femmes, vieux et vieilles, partagent et subissent le joug de la colonisation marocaine, avec courage et persévérance. Convaincus et infatigables, ils s'accrochent à l'espoir et croient dur comme fer au lever du soleil de la liberté, dont les signes, comme ils le disent, annoncent l'aube de la Victoire du peuple sahraoui contre «le terrorisme chérifien». «Notre combat pour la libération de notre pays anime nos esprits et durcit nos convections», soutient, catégorique, Mohamed Ben Khiyar, un vieux compagnon de lutte de Mohamed Abdelaziz, président de la République sahraouie. Forgé dans le moule de la résistance depuis 1974, ouverte sur deux fronts de bataille, avec les Mauritaniens au sud et les Marocains au nord, Mohamed Ben Khiyar, la soixantaine entamée, constitue une référence et la mémoire vivante pour les jeunes générations sahraouies. Chez lui, dans son «Moukhayem», où nous avons même passé la nuit avec un groupe de journalistes algériens de la presse écrite, il est revenu dans un témoignage prolixe sur les différentes étapes de son peuple dans sa lutte pour sa liberté. Avec un air de fierté, il souligne que son peuple a mené d'un coup deux révolutions depuis le départ des Espagnols. Il a gagné la guerre contre les Mauritaniens dont les fronts du combat ont été dirigés par le symbole de la résistance du peuple sahraoui, El-Wali Mustapha Es-Sayed, tombé au champ d'honneur en 1976. Et aujourd'hui, il lui reste, poursuit-il, de mener son combat inachevé contre le Royaume marocain qui occupe des territoires sahraouis en dépit des résolutions onusiennes, lui suggérant de laisser les Sahraouis décider de leur destin. Brandissant des photos de ses compagnons de guerre dont certains sont tombés au champ d'honneur et d'autres avec le président Mohamed Abdelaziz prises sur le champ de bataille, Mohamed Ben Khiyar, qui est plutôt baroudeur que politique, appuie dans ses dires que Mohammed VI, roi du Maroc, ne comprend pas et ne comprendra jamais les revendications des Sahraouis, se limitant à la lutte pacifique et politique menée par le Front Polisario. «Personnellement, je crois que la lutte armée est le seul et l'unique moyen permettant à mon peuple d'aboutir à la victoire contre le colonialisme marocain», tonne-t-il, avant de préciser que de par le monde, il est connu et reconnu que la liberté s'arrache, elle ne s'offre jamais. Et d'exploser: «Mes frères, vous êtes algériens, je pense que vous connaissez mieux que mon pauvre peuple le prix de la liberté. Vous êtes les dignes fils de l'Algérie, aux 1,5 million de martyrs.» Ne s'arrêtant pas là, le vétéran de la résistance ajoute qu'il est également marié une ancienne moudjahida, qu'il avait connue au sein même de la bataille. Aminatou, une belle et rebelle Sahraouie, dont la jeunesse est consacrée à la résistance de son peuple. Le combat de la femme sahraouie Durant notre nuit au C 27, nous avons remarqué, il est utile de le noter, le militantisme actif et le rôle incontournable assuré par la femme sahraouie sur tous les fronts. Elle est la colonne vertébrale des populations. Outre son rôle d'éducatrice et de mère, elle est ainsi présente dans le combat politique et armé de son peuple. En outre, elle participe à la gestion des affaires liées aux camps des réfugiés. C'est dire qu'elle joue le rôle de la femme et de l'homme dans les camps. «La femme sahraouie s'est hissée à un niveau de responsabilités et d'implication dans la prise de décision engageant l'avenir de notre peuple. Grâce aux sacrifices qu'elle a consentis durant tout le processus révolutionnaire du Front Polisario, la femme sahraouie s'est forgée une forte et solide personnalité», témoigne le président du Conseil national du peuple sahraoui, Khater Addouh, ajoutant que la femme sahraouie est un symbole de la révolte de tout un peuple et l'exemple d'une femme révoltée contre le colonialisme. Aminatou est de cette trempe de femme. Une Sahraouie belle et rebelle. A vingt ans elle maîtrise déjà parfaitement les armes, raconte-t-il, d'où elle est promue institutrice, chargée de former les femmes en matière de manipulation des armes dans les camps. «J'ai pris les armes contre le colonialisme marocain à l'âge de 20 ans, soit une année avant mon mariage. Je n'étais pas la seule d'ailleurs. Mais nous étions nombreuses à combattre avec nos hommes contre l'envahisseur marocain», témoigne Aminatou, d'un air nostalgique. Mais, après que nous nous sommes installés, dit-elle, en 1976 dans les camps des réfugiés sur le sol algérien, nous les femmes, avons organisé nos propres troupes pour faire face à l'ennemi marocain. Parmi nous, il y avait, raconte Aminatou, des femmes intégrées dans des cercles paramédicaux et dans des groupes de combat. Et de poursuivre: «Après une courte formation intensifiée, nous sommes ensuite envoyées sur les champs de bataille où nous avons mené notre combat pour la liberté et l'autodétermination au même titre que les hommes.» Dans les camps des réfugiés, ajoute-t-elle, il n'y avait que des femmes et des enfants. Cependant, les hommes se trouvaient souvent sur les fronts de bataille. Seules, nous assurons notre survie et notre sécurité. Et d'exploser: «Heureusement, qu'il y avait l'armée algérienne qui nous protégeait du danger et des Marocains.» Lui emboîtant le pas, Salem, une ancienne infirmière qui sillonnait les terres sahraouies du temps de la guerre pour assurer les soins aux combattants, témoigne pour sa part, qu'elle a sacrifié sa jeunesse et donné pour martyr son mari pour l'indépendance de son pays. «Jeune, j'ai perdu mon mari durant la bataille de Nouakchott, dirigée par le père de la résistance de notre peuple, El Wali Mustapha Es-Sayed, et depuis, je me suis mise au service de mon peuple et de son combat», narre-t-elle orgueilleusement. Aujourd'hui encore, je suis là, dit-elle, pour défendre ma liberté et je le ferai tant que je vis encore. Sans mari et sans enfants, elle dit que tous les Sahraouis sont ses enfants. La soixantaine entamée, Salem veille à transmettre aux enfants son aventure guerrière et celle du peuple sahraoui. Elle est la mémoire vivante du dernier peuple d'Afrique encore colonisé. «J'ai connu le grand martyr El Wali Mustapha Es-Sayed et Abdelaziz (président sahraoui) durant la guerre, et la majorité des cadres de l'Etat sahraoui, en l'occurrence Mohamed Lamine Bouhalli», révèle-t-elle, ajoutant qu'aujourd'hui, son seul et unique rêve est de vivre rien qu'un instant librement sur le sol sahraoui, totalement libéré du colonialisme marocain. C'est dire que la liberté n'a pas de prix pour celui qui a connu le colonialisme.