Mohammed est un repenti qui veut faire condamner Fadila, une employée de l'ANP. Mohammed est une victime d'insultes, d'injures et autres humiliations émanant de Fadila R., une quinquagénaire exerçant dans les rangs de l'ANP depuis plus de quarante ans. Et la prévenue, qui est debout à la barre face à Meriem Derrar, la présidente de la chambre correctionnelle d'Alger, avait un avantage: au tribunal de Bab El Oued, elle avait bénéficié d'une relaxe, le juge ayant estimé que les preuves du délit n'étaient pas réunies. Le parquet, qui avait réclamé une peine d'emprisonnement ferme, avait interjeté appel. Une parenthèse pour souligner ici cette histoire d'appels intempestifs qui gênent énormément le fonctionnement des chambres dont les énormes rôles étouffent la marche, pour ne pas dire la célérité. Oui, le parquet réclame une peine de prison de deux mois ferme, le tribunal prononce la relaxe. Normalement, le représentant du ministère public, qui était à l'audience et donc avait effectué les demandes - deux mois ferme - aurait pu respecter le verdict du juge et laisser tomber. Eh bien non! Par réflexe robotique, le parquet interjette appel. Qu'à cela ne tienne! Meriem Derrar, la présidente élégamment encadrée de ses deux conseillers, Abdenouche et Youcef Boukherssa, a fait son boulot. Elle écoute la prévenue Fadila et Mohammed le repenti poser leurs problématiques. La juge pousse l'honnêteté jusqu'à inviter la victime à répéter mot à mot, les insultes et injures, tel que le veut un arrêt de la Cour suprême dans le développement de la jurisprudence. Et la victime, qui s'était déplacée au Ruisseau, s'en est donnée à coeur joie de répéter les grossièretés et autres insanités. Mais le tournant des débats réside dans le chapitre «témoignages» au tribunal. C'est dans cette optique que Maître Mostefa Haddadi, l'avocat de Fadila, s'évertuera à démontrer toute la stratégie et les déclarations de la victime. Pour ce qui est des témoins, l'avocat affirmera que les «deux témoins n'étaient pas présents sur les lieux. L'un d'eux réside à la Chiffa. Il n'a pas pu se déplacer à Baïnem où est situé le tribunal de Bab El Oued (cour d'Alger). Donc voilà déjà une embûche de moins», a récité le vieil avocat. Sur le banc réservé aux curieux, la maman de Fadila est dans tous ses états. Elle fait non de la tête! Elle roule ses yeux bouffis de larmes! Elle fait non des épaules comme si elle gémissait. Elle ne veut rien savoir. Pourquoi donc sa merveilleuse fille doit-elle se farcir ce «repenti» qui la cherche, elle, employée dans les bureaux de l'ANP? Le bonhomme, lui, faisait une tête, on ne vous le dit pas. Grand de taille, le regard fixe, ses épaules refusent de plier sous le poids des mots durs prononcés par Maître Haddadi qui a l'art de bouger en plaidant. Le voilà le dos tourné à la face du trio de juges; le voilà qui cherche la copie du jugement pour y parcourir un attendu salutaire pour sa cliente. Le voilà qui hoche la tête juste pour appuyer sa question pleine de sous-entendus, de quoi épater Derrar comme toujours attentive et assise confortablement pour ne pas tomber dans l'ennui devant une énième triste affaire de mauvais voisinage, d'insupportables histoires à ne pas en finir avec, cette fois et c'est risqué, des problèmes subsistant depuis longtemps entre une employée des Forces armées et un «repenti» qui se faisait tout petit à la barre comme s'il voulait jouer l'excellent rôle du gentil dévoré tout cru par une femme aux larges épaules. Et c'est encore une fois Dame Justice qui est vite suppliée de tirer la couverture et sauver les meubles. Derrar prendra acte du dernier mot de Fadila, la prévenue, avant d'annoncer la mise en examen du dossier sous huitaine. Toutes les parties se séparant aux quatre coins de la capitale. Maître Mostefa Haddadi avait sorti son phone pour appeler Hadjer sa fille pour l'informer de la date de la tenue de la cérémonie de prestation de serment d'une promotion d'avocats à Boumerdès, la dernière de 2011! Fadila, elle, était triste devant sa maman, effarouchée par l'attente du verdict...