Ismaïl B. est un retraité qui a revendu le 3 janvier son véhicule. Le 15 du même mois, quelqu´un en descend et joue du couteau... En allant sur les faits qui remontent à janvier 2007, Oudina, la présidente de la septième chambre pénale d´Alger a eu une attitude digne d´une magistrate qui se porte bien sur le plan du respect des procédures et de la loi. Et cette affaire d´agression au couteau qui a valu une longue balafre sur la joue de la victime, traîne depuis exactement cinquante-deux mois! Du jamais-vu. Déjà au tribunal de Bir Mourad Raïs, la présidente n´a pas pris de gants en renvoyant à plusieurs reprises les débats qui finiront bien par avoir lieu en l´absence de la victime. Ismaïl B., soixante-quatre ans, donc soixante moins quelques mois au moment des faits, nie l´inculpation pour une seule raison: le numéro d´immatriculation de la voiture où se trouvait l´agresseur est celui de sa voiture revendue depuis belle lurette. «Comment peut-on expliquer que ce père de famille, retraité bien rangé puisse être l´auteur de coups et blessures donnés à la traître avec délit de fuite en voiture?» s´était déjà exclamé Maître Hamlaoui Benchouche, l´avocat de Baraki devant la juge Akila Boucha, qui en parquetière ligotée par l´indivisibilité du siège, a demandé une peine d´emprisonnement ferme de un an pour coups et blessures volontaires avec délit de fuite. La juge de l´époque n´ira pas par quatre chemins et s´en tiendra aux réquisitions du ministère public de Bir Mourad Raïs. Un an ferme. Le pauvre Ismaïl.B., vacilla. Il a cru recevoir un toit en ardoises sur la tête. Il interjeta appel. Nous sommes en 2011. Mohammed Regad avait déjà renvoyé à quatre reprises le procès jusqu´à ce que la victime veuille se déplacer pour constater la gravité de la cicatrice de la balafre. Une fois, il y eut le renvoi automatique de la première comparution. La deuxième fois, le juge a exigé la présence de la victime qui serait en soins. Une troisième fois, la composition correctionnelle renvoya l´audience espérant que le prochain rendez-vous soit le bon. Le 11 mai 2011, Ismaïl B. le prévenu était là à la barre, debout tel un ministre attendant le début d´une réunion tant sa tenue vestimentaire faisait plaisir à voir. Entourée de Nadia Bouhamidi et Saïd Brahimi, Oudina appelle les parties. La victime est absente. Son avocat marmonne l´excuse que nous n´avions pas attendue! La juge passe outre et décide d´en finir. Nourredine Lasnami, le procureur général, fait la moue après avoir parcouru un document. Il lève la tête et suit avec un vif intérêt l´intervention de la victime d´erreur d´appréciation des faits, en l´occurrence Ismaïl B., qui est debout, la tête haute, le regard fixant le trio de magistrats et surtout Oudina qui venait d´assister à une chute, au fond de la salle, d´une maman qui venait d´apprendre le malheureux verdict de cinq ans d´emprisonnement ferme pour une histoire de détention de drogue, une quantité si indésirable aux yeux de la loi que la sentence du tribunal a été reconduite sans état d´âme. Et avant de chuter, la vieille femme avait maudit la justice et tous les juges avec le commentaire: «Je me fiche des autres détenus s´ils ont écopé d´une peine plus lourde. Moi, c´est le sort de mon Kamel qui me brûle le foie.» Elle donnera l´ordre aux vingt policiers de service de faire évacuer cette perturbatrice de l´audience et tout rentra dans l´ordre, de quoi travailler dans la sérénité qu´adorent Oudina, Bouamrane, Derrar et autres Kherabi, Bekki... Ismaïl B., s´est défendu avec beaucoup d´émotion, car cette affaire a fait que son fiston unique prenne un petit congé, quitte Paris et ses lumières pour venir soutenir le papa. D´ailleurs, c´est ce geste filial qu l´a aidé à bien s´exprimer à la barre. Maître Rachid Chadjaâ, son avocat, fera mieux. Il s´en prendra à la victime qui a tout fait pour émouvoir la cour et ses juges. «On parle de graves blessures au visage, oui, c´est peut-être vrai. Mais on ne nous a pas ramené un seul témoin qui a vu mon client l´agresser à l´arme blanche. Pourquoi refuse-t-elle de se présenter à la justice? Le coupable court toujours et mon client souffre le martyre pour un délit qu´il n´a jamais commis», a récité Maître Chadjaâ qui a regretté auparavant les ratés de l´enquête préliminaire tout comme les dérobades de la victime qui avait pourtant dit aux policiers que ce n´était pas Ismaïl B., l´agresseur, mais un jeune de la vingtaine dépassée. Voilà ce que Oudina doit trancher.