Apitoyé par le sort d'une voisine chassée par ses parents démunis, un voisin connaît des déboires, car la justice n'a pas voulu reconnaître l'acte charitable d'un homme envers une femme seule. Le juge est allé plus loin en s'écriant qu'il ne pouvait pas croire qu'un homme seul et une femme seule ne pourraient pas dormir chacun dans une pièce ! C'est quoi ça comme raisonnement ? Voilà une femme qui a été jetée à la rue par sa famille dans le dénuement le plus total. La bonne femme avait commencé la traversée du désert sans aller jusqu'à tendre la main, chose qu'elle n'a jamais faite, petite ado. Ce n'est pas à plus de trente-cinq ans qu'elle allait commencer l'illicite, l'interdit. Entre-temps, un voisin de bonne réputation dans le quartier lui propose le toit, juste pour la mettre à l'abri. Elle accepte sans s'y prendre à deux fois. Le brave bienfaiteur va un peu plus loin dans son action pour l'amour d'Allah, et seulement pour cela, contrairement ce que pensent les mauvaises gens et colportent les mauvaises langues. Mais comme les bonnes actions ne durent pas longtemps, le ciel va tomber sur la tête de la malheureuse et de son bienfaiteur. Un soir, le monsieur reçoit des amis chez lui. Fadila va dans sa chambre. Bachir et ses copains dans une autre. Un voisin appelle le 15-48. Amirouche. Les policiers arrivent en trombe et voilà les braves gens embarqués dans le sens propre du terme dans l'inconfort de l'article 343 (ordonnance n°75-47 du 17 juin 1975) section VII : incitation de mineurs à la débauche et prostitution, alinéa III qui dispose que «quiconque sciemment vit avec une personne se livrant habituellement à la prostitution» et donc risque de ce fait une peine «d'emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de cinq cents à vingt mille dinars», et l'on avait même ajouté l'alinéa IV qui dispose que quiconque sciemment vit en «relation habituelle avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution ne peut justifier de ressource correspondant à son train de vie». Face au juge, les fait sont narrés sérieusement. Le magistrat va écouter maître Mustapha Bouchami dédramatiser et assurer au tribunal que cette honorable femme délaissée par sa propre famille avait revisité le monde tranquille loin de la jungle de la rue, car l'avocat n'avait pas visiblement apprécié qu'à la question du juge qui voulait savoir les places occupées par la dame et son bienfaiteur et la réponse : «Chacun dort tout seul.» - «Arrêtez de vous moquer du monde : vous n'allez pas nous faire croire que vous dormez chacun dans une chambre !» Cela avait scandalisé l'avocat qui allait soulever des montagnes en vue de redonner l'honneur bafoué, car il peut exister ce genre de bienfaiteurs qui donnent, aident, se sacrifient sans rien espérer en retour. Il est vrai que même le représentant du ministère public avait réclamé une année de prison ferme. Durant tout l'interrogatoire, les inculpés faisaient peine à voir. Ils voulaient crier à la barre que seul Allah savait ce que vaut l'homme, la femme et les amis traînés dans la boue. L'avocat est serein malgré l'ire qui l'habitera jusqu'au prononcé du verdict : trois mois de prison ferme. Les pauvres condamnés ont prié maître Bouchami de ne pas interjeter appel. Comme un malheur ne vient jamais seul, le parquet, pas satisfait du verdict, a interjeté appel.Les détenus attendent de passer prochainement devant Rabia Benamrane et les deux conseillers de la chambre correctionnelle d'Alger pour pouvoir mieux faire avaler leur version, surtout que maître Bouchami adore plaider devant trois magistrats, lui aussi pense que trois fois deux oreilles peuvent mieux entendre et comprendre.