Quelques pointes de jazz et de rock, de funk, enrobés du son de karkabou et de oud, de batterie et de guitare est cet album qui chante la vie, l'amour, la jeunesse et l'espoir. Intensité, gravité, insolence, naïveté, tendresse et fraîcheur, une musique hybride, mélange entre l'occidental et le maghrébin, l'arabe ou l'oriental, tels sont les ingrédients du nouvel album de la talentueuse artiste Salima Abada. «Contrast» du nom du groupe, résume bien l'état d'esprit de cet opus, écrit majoritairement par Salima et composé par ses amis musiciens, à savoir Fawzi Mecellem à la guitare et oud, Amir Boukhalfi à la guitare, Nadjib Gamoura à la guitare basse, Nazim Benkaci à la batterie et Youcef Zahana aux claviers. Après deux ans de déboires avec son ancien éditeur, Salima signe avec un nouveau et sort ainsi son album prêt déjà depuis deux ans. Ecrite par Hakim Salhi, la première chanson qui ouvre l'album est déclinée ainsi en arabe et Jazz, Nestena chante la patience. Partir ou rester et pour combien de temps? S'ensuit le titre le plus connu, à savoir Les Algériennes, rehaussé d'un son reggae auquel on a ajouté celui du banjo et du qanoun. Belle chanson féministe, un rien désinvolte. En duo avec le violoncelliste Kheiredine Mekachiche, Salima nous sert un joli swing dans La Boulangère, histoire d'un amour rêvé d'une femme qui se fait belle pour un homme, en vain. Dans le Condamné, la gravité du texte épouse celui de la compostions musicale, rehaussée par le tempo du karkabou. Voix perçante de Salima Abada, dans la chanson Another World, dans sa version acoustique. Une charmante ballade traduisant le rêve d'une «fille qui recherche un autre monde dans lequel elle pourrait vivre. Son environnement ne lui plaît pas. Elle espère trouver refuge autre part.» Another World est revisitée de façon plus entraînante, déclinée dans un style, funk, rock alternatif en duo avec le groupe Aminoss, alias Amine Hamerouche qui a assuré également les arrangements de l'album. Coquine, sérieuse, rieuse, joyeuse, mélancolique, sans se prendre au sérieux, est la nature indomptable et insaisissable de cette Salima Abada, fille entière et complexe comme l'est cet album aux différents thèmes abordés et intonations rythmiques. Emouvante chanson que Lettre à mon Président, sincère et bouleversante, touchante qui narre les malheurs d'une jeunesse qui cherche à s'en sortir et s'adresse à son premier dirigeant du pays, l'air de dire: «Mais que doit-on faire monsieur le Président?»Et Salima Abdada de confier: «Je m'adresse à mon Président dans le respect. Pas besoin d'utiliser de gros mots mais d'ouvrir son coeur et lui dire que quelque part on est une population jeune et à un moment donné, il faudra bien se tourner vers nous. C'est un petit ras-le-bol.» Changement de registre. Plutôt soul et entraînante, teintée disco est My love. Ya denya sur une musique de feu Kamel Messaoudi est une belle complainte blueezy sur la chienne de vie, avec des paroles signées Yacine Ouabed et des pointes musicales à la Dire Straits. Je rêverai d'un monde, un autre titre est rehaussé du mielleux son du oud et se présente comme une prière, une procession de mots qui prônent la fin des frontières, des barrières, des cimetières et des remords. Idéaliste l'est Salima Abada et jusqu'au bout des doigts. Rêveuse, taquine, ensorceleuse, mais gardant bien les pieds sur terre. Une Femme-enfant, sauvage et fragile à la fois qui espère, aspire, déclame et clame. 4 ans et demi, a comme intro le son de la pluie. La magie de l'oûd invite au voyage au coeur de soi et dans l'univers. Larmes, pleurs ou délivrance, apaisement, eau qui nettoie, larmes qui fustigent et exorcisent. Ce morceau est une complainte dédiée au père parti trop tôt. «Ça a démarré de mon père en fait. La plupart de mes chansons parlent de ça mais pas de manière indirecte. Mon père que j'ai perdu en 93, à chaque fois que j'écris, il ressort dans mes écrits. D'où en effet, cette tristesse et mélancolie. Parler de moi c'est en quelque sorte parler de mon pays et de notre jeunesse, automatiquement, de ces années noires, parfois je m'adresse à ma petite soeur, parfois aux Algériennes et une autre fois au Président...» Salima Abada, comédienne, chanteuse, animatrice. «Mais où compte-telle s'arrêter?» Sa réponse est claire: «Mon premier but dans la vie est comme tout le monde, être juste à la recherche de mon bonheur, la plus heureuse c'est quand je suis chanteuse artiste, donc sur scène, une autre Salima ressort quand je suis comédienne. Je joue la comédie mais c'est une part de moi qui fait un travail elle-même. Dans l'animatrice, on retrouve la Salima, pas celle qui cherche des phrases académiques, ce n'est pas mon genre. Je pense qu'on retrouve la Salima dans les trois rôles et pourquoi pas autre chose? Je suis ouverte à toute aventure je dirais.» Côté projets, la chanteuse nous a confié, fair-play, lors de sa séance de vente-dédicace, à Riad El Feth la semaine dernière qu'un concert/spectacle est en pleine préparation pour la fin du mois à Alger et une tournée est programmée du 24 au 29 janvier dans le cadre de «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Les influences musicales de Salima? Il n'y en a pas ou plutôt comme elle dit si bien: «J'écoute de tout. Du raï, à la chanson française, du Brassens à Zazie en passant par le rn'B. Soit des chansons plus calmes pour mon apaisement spirituel et moral soit, physique, avec de la musique plus entraînante pour se défouler.» Elle est comme ça notre Salima Abada, une Algérienne fière et altière, spontanée mais libre. Belle et incandescente. A l'image un peu de cet album...