On est pratiquement à la veille d'une confrontation qui embrasera, sans coup férir, le Moyen-Orient. «Si on devait adopter des sanctions contre les exportations de pétrole iranien, aucune goutte de pétrole ne transitera par le détroit d'Ormuz», avait prévenu le premier vice-président iranien Mohammad Reza Rahimi. C'est sur le point de se faire. Les 27 pays de l'UE prennent l'Iran à la gorge. Ils visent le gel des avoirs de sa banque centrale. Le nerf de la guerre. Des sanctions qui viennent s'ajouter à une série de mesures déjà draconiennes: les avoirs de 433 sociétés iraniennes sont gelés, 113 personnes sont interdites de visa, de nombreux produits sensibles sont privés d'exportation, l'interdiction des investissements touche aussi le secteur des hydrocarbures... La liste n'est pas encore close. Les Iraniens ont planifié leur riposte: la fermeture du détroit d'Ormuz par où transitent 40% du pétrole mondial. Passeront-ils à l'acte? Une chose est sûre, la répercussion sur le marché pétrolier devrait être instantanée. Les cours de l'or noir subiraient une hausse de quelque 50 dollars selon certaines prévisions. Les Iraniens ont entre leurs mains cette arme redoutable. Ils ne resteront pas les bras croisés contre les menaces d'embargo de leur pétrole, envisagé par les pays occidentaux, et une hypothétique attaque militaire dont le scénario est déjà ficelé. Les conséquences pourraient s'avérer désastreuses. Les Occidentaux prennent non seulement le risque d'une escalade militaire mais aussi celui de voir les prix du pétrole s'envoler vers des sommets inédits. 300 dollars le baril, prédisent les spécialistes en cas d'attaque militaire. L'offensive européenne butait jusqu'à hier dans la matinée sur les réticences de la Grèce qui dépend étroitement de l'or noir iranien. Sur les 600.000 barils par jour vendus à l'Union européenne, elle en consomme quotidiennement quelque 100.000. Athènes veut donc des garanties avant la mise en oeuvre de cet embargo pétrolier. Ce dernier obstacle sera-t-il levé? Si oui, il ne pourrait l'être que grâce à l'Arabie Saoudite qui doit être sollicitée pour pallier le déficit de pétrole iranien. Le Royaume wahhabite dispose-t-il de capacités suffisantes pour remplir ce rôle? «Nous pouvons facilement atteindre 11,4 à 11,8 millions de barils par jour en quelques jours. Tout ce que nous avons à faire est d'ouvrir les vannes», a confié, lundi dernier, le ministre saoudien du Pétrole, Ali Al Nouaïmi, dans une interview accordée à la chaîne américaine CNN. La réaction iranienne est intervenue sous forme de mise en garde: «Ces signes ne sont pas amicaux et nous invitons les responsables de l'Arabie Saoudite à réfléchir davantage», lui a répliqué, le 17 janvier, le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi. L'hypothétique contribution saoudienne ne se fera probablement pas sans «casse». Téhéran n'acceptera pas que Riyadh fasse échec à cet atout redoutable qu'elle a entre les mains et dont elle compte faire usage. «Nous surveillons totalement les menaces et les mouvements et nous répondrons de la manière la plus forte à toute menace», avait confié à l'agence officielle iranienne Irna, l'amiral Habibollah Sayyari. Les Occidentaux prendront-ils le risque d'allumer la mèche? Apparemment ce n'est qu'une question d'heures. Leur seule préoccupation réside dans une probable flambée des prix du baril. «Il faut veiller à ce que cet embargo ne déstabilise pas le marché pétrolier dans son ensemble», s'est inquiété un diplomate européen.