Donner la parole à d'autres personnalités aurait rendu possible l'émergence d'une vérité plurielle capable de transcender les passions. Une série documentaire de trois fois 52 minutes réalisée par Malik Ait-Aoudia et Séverine Labat et conduite par la compagnie des Phares et Balises, France 5 et France 3, sera diffusée sur le petit écran de la Cinq à l'occasion de la commémoration du 15e anniversaire des événements du 5 octobre 1988. La projection de l'avant-première a eu lieu vendredi, à la filmathèque de Mohamed Zinet de l'office Riad El Feth (Alger) en présence de la presse nationale. Les trois épisodes retracent une décennie de drames en Algérie: 1988-2000. Autopsie d'une tragédie, tel est son titre. Selon son réalisateur, Ait- Aoudia, ancien attaché de presse du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et réalisateur de plusieurs documentaires sur l'Algérie, «cette Autopsie a pour ambition de rapporter des faits tels que vécus par les Algériens en faisant appel aux principaux acteurs qui ont été au centre de cette tragédie sans commentateurs». Afin d'argumenter cette thèse, le documentaire parcourt brièvement l'histoire de la période qui s'étale de 1988 à 2000. Il évoque la lutte des clans et les apprentis sorciers au sein du système qui pour se neutraliser entre eux ont fini par plonger le pays dans le «gouffre»de 1988. Le diagnostic que fait l'auteur sur la tragédie algérienne se résume à la répétition de ces contradictions entretenues grâce à la médiocrité des hommes politiques algériens qui se sont succédé à la tête de l'Etat. L'un des points forts de ce documentaire est la manière dont l'auteur a mis le doigt sur les mécanismes par lesquels la société civile algérienne a réussi à faire face à l'islamisme menaçant des années 90. La marche des dans les rues d'Alger bravant les islamistes, la marche des démocrates et la résistance par les armes des citoyens, après une longue hésitation de l'armée algérienne à recourir à cette «solution». La principale critique qui pourrait être faite de l'oeuvre d'Aït-Aoudia est le choix des intervenants dans le documentaire. Il s'est focalisé, en effet, sur des personnalités qui n'ont pas démérité dans leur combat contre le terrorisme et l'islamisme politique mais classées dans le clan des «éradicateurs». Saïd Saâdi président du RCD, Sid Ahmed Ghozali, le Général Khaled Nezzar, Redha Malek, Ali Haroun, Ahmed Ouyahia, Khaled Ziari, commissaire principal et responsable de la lutte antiterroriste et le commandant Mohamed Moulessoul (Yasmina Khadra). Du côté des islamistes il y a Sid Ali Benhadjar, membre influent du GIA à Médéa, Omar Chikhi, un des huits fondateurs du GIA et Ahmed Mérani, membre fondateur du FIS dissous et sénateur. Mouloud Hamrouche, Abdelaziz Belkhadem, le Général Mohamed Lamari et Hocine Ait Ahmed n'ont pas voulu participer à ce documentaire, selon les dires du réalisateur. Des personnalités qui ont participé à cette singulière histoire de l'Algérie indépendante. Leur donner la parole c'est rendre possible l'émergence d'une vérité plurielle capable de transcender les passions bonnes ou mauvaises pour qu'enfin puissent se libérer les vertus d'une raison juste et fraternelle. Enfin, l'auteur n'a pas présenté de cadre explicatif qui éclaire le rôle de l'armée dans cette crise, du moins dans sa genèse.