Deux rapports successifs de la Banque mondiale et plus récemment du Fonds monétaire international ont pointé du doigt l'étroite dépendance de l'économie nationale par rapport aux hydrocarbures. Emeutes, crise du logement, flambée des prix des produits de consommation de base, chômage, baisse du pouvoir d'achat... Les pouvoirs publics ont dépensé sans compter pour éteindre les foyers de contestation et ramener la paix sociale. Les hauts niveaux atteint par les cours de l'or noir l'ont permis (près de 100 dollars le baril à New York). L'Algérie est pourtant sous une épée de Damoclès. Pourquoi? La raison est simple: il suffit que les prix du pétrole chutent brutalement et c'est la débâcle annoncée. La conjoncture est plus que propice, la crise financière de la zone euro mine la croissance mondiale. Ce sont des lendemains qui déchantent et guettent l' économie nationale. Quand bien même elle disposerait d'une fabuleuse manne financière qui peut lui permettre de faire face à une récession des plus terribles, elle n'est pas à l'abri d'une déconfiture. Les 176 milliards de dollars accumulés ces dix dernières années ne sont-ils dans ce cas- là que de la poudre aux yeux? Une bouée de sauvetage? Pas réellement pensent certains experts qui tirent cependant la sonnette d'alarme, notamment en matière de création d'emplois. Une sorte de paradoxe. Ecoutons: «Les vastes ressources financières accumulées au cours des dix dernières années grâce à une gestion macroéconomique prudente aideront à atténuer ce risque. Cela dit, les hydrocarbures créent de la richesse, mais pas d'emplois. Si les autres secteurs ne connaissent pas un développement soutenu, le mécontentement causé par le chômage élevé pourrait persister», estime M.Joël Toujas-Bernaté, chef de mission du FMI pour l'Algérie. C'est que le Fonds monétaire international persiste et signe: le taux de chômage demeure particulièrement élevé. Il serait de l'ordre de 20% alors que les reponsables algériens le situe autour des 10%. Inutile de sombrer dans une polémique stérile. L'estimation de l'organisation économique mondiale est crédible. Elle repose sur la forte croissance de la population algérienne. «Les tendances démographiques y sont pour beaucoup. La population algérienne est jeune et augmente à vive allure. Aussi l'Algérie a-t-elle besoin de croître à un rythme bien plus rapide pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail», fait remarquer l'expert international. Quelles sont les causes de la persistance de ce phénomène? «Comme le montre l'analyse que font d'autres observateurs, tels que la Banque mondiale, le problème est double: il y a d'une part la rigidité du marché du travail - il est coûteux et difficile d'embaucher et de licencier - et il y a d'autre part l'inadéquation de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre», fait-il observer. Les signaux émis par la BM dans son rapport de l'année 2012 ne sont pas annonciateurs de bonnes nouvelles pour l'ensemble de l'économie de la planète. Les pays en développement sont les plus exposés à cette crise. «Les pays en développement doivent évaluer leurs vulnérabilités et se préparer à la possibilité d'autres chocs», a prévenu Justin Yifu Lin, économiste en chef et premier vice-président de la Banque mondiale pour l'économie du développement (Voir l'Expression du 28 janvier). La BM a revu à la baisse ses estimations de la croissance mondiale. Elle «devrait s'établir à 2,5% en 2012 et 3,1% en 2013 (si l'on utilise une pondération sur la base de la parité de pouvoir d'achat, la croissance mondiale s'établirait à 3,4% en 2012 et 4% en 2013)», écrivent les rédacteurs du document. L'Algérie tiendra-t-elle le choc surtout en cas de baisse importante des prix du brut? «Si l'économie reste trop dépendante des hydrocarbures et insuffisamment diversifiée, elle restera vulnérable aux chocs pétroliers négatifs...Au milieu des années 80, confrontée à une chute marquée des cours du brut, l'Algérie a dû faire des coupes claires dans les dépenses publiques. Cela a engendré des problèmes sociaux qui ont été en partie la cause de la «décennie perdue» des années 1990 et une source d'instabilité politique,» a rappelé Joël Toujas-Bernaté dans un entretien publié dans le bulletin de l'institution financière internationale. La leçon a-t-elle été retenue? «Il faudra que les autorités algériennes continuent de revoir leur stratégie pour permettre l'émergence d'un secteur privé plus vigoureux et diversifié», recommande-t-il. «Le gouvernement a mis en place en 2009 une nouvelle réglementation des investissements directs étrangers qui limite la participation étrangère aux nouveaux projets. Le but était de promouvoir de nouveaux partenariats avec des investisseurs nationaux, mais en réalité on a constaté une diminution sensible des flux d'investissements étrangers déjà peu abondants», a fait remarquer le chef de mission du FMI pour l'Algérie.