Le Soudan du Sud a accusé hier le Soudan, dont il a fait sécession en juillet, d'armer des «miliciens» responsables de la mort de plus de 40 personnes dans une attaque intertribale, faisant monter des tensions déjà à un «point critique» selon l'ONU. Selon le ministre sud-soudanais de l'Intérieur, des hommes armés de l'ethnie Nuer, venu de l'Etat d'Unité, dans le nord du Soudan du Sud, ont lancé un assaut ce week-end sur des zones Dinka dans la province voisine de Warrap. «Ils ont attaqué les gens dans un campement de bétail, tuant plus de 40 d'entre eux», a poursuivi Alison Manani Magaya. Le nombre de blessés «n'est pas encore clair, mais ils ont pris beaucoup de bétail avec eux», a ajouté le ministre, craignant que le bilan ne s'alourdisse encore. «Le groupe de miliciens était armé par le gouvernement de Khartoum», a affirmé le ministre, dont le pays est encore régulièrement le théâtre de violences interethniques et autres attaques de rebelles. Le Soudan a déjà vivement rejeté cette accusation, le porte-parole de l'armée assurant: «Nous n'avons aucun rapport avec cela». «Nous ne soutenons aucune opposition armée au Soudan du Sud ou ailleurs», a-t-il ajouté. Avant leur séparation en juillet dernier, le Nord et le Sud du Soudan se sont livré des décennies de guerre civile. Les relations restent extrêmement tendues entre les deux capitales Juba et Khartoum, chacune accusant l'autre de soutenir des rebelles sur son sol. L'Etat d'Unité, producteur de pétrole, sert notamment de base à plusieurs groupes rebelles que Juba dit avoir été envoyés par Khartoum pour déstabiliser le Soudan du Sud. Dimanche, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a estimé que la crise entre le Soudan et le Soudan du Sud avait atteint «un point critique», devenant «une menace majeure pour la paix et la sécurité» régionales. «La communauté internationale doit agir et agir maintenant», a poursuivi M. Ban depuis la capitale éthiopienne Addis Abeba où il participait au 18e sommet de l'Union africaine. Le Soudan et le Soudan du Sud sont aussi en conflit ouvert sur la démarcation de leur frontière commune et le partage des ressources pétrolières. Le Soudan du Sud détient les trois quarts des réserves de brut de l'ancien Soudan. Mais pour l'exporter, il est contraint de passer par le Soudan, d'utiliser ses infrastructures, qui seules lui garantissent un accès à la mer. Or Juba et Khartoum ne parviennent pas à s'entendre sur le montant des frais de passage, ce qui a récemment provoqué une surenchère de mesures de rétorsion: le Nord a confisqué du brut pour se payer en nature, le Sud a en retour décidé de stopper sa production. Altercations avec Khartoum, violences rebelles et claniques, retour massifs de réfugiés du Nord... le tout jeune Soudan du Sud, l'un des pays les moins développés au monde, fait, selon l'ONU, face à des défis massifs.