Batna est la seule ville où les confettis jetés au Président sont en pétales de roses. Les Chaouis offrent une fleur à Bouteflika. Ce dernier devra désormais déployer énormément d'efforts au plan de la sémantique. Il est évident qu'une sorte de grâce lui est offerte au fief-même des Chaouis. Avenue de l'Indépendance, 10h. Arrivée en trombe du cortège présidentiel, des élèves de la formation professionnelle, sortis de leur atelier, au même titre que le personnel administratif qui vient de déserter les bureaux, attendent de pied ferme le passage du chef de l'Etat. Depuis 6h, une armée de citoyens, venue des communes et villages limitrophes, dresse des pancartes souhaitant la bienvenue à l'hôte du jour. Tous reprennent des slogans relatifs à la relance économique et au développement, tout en formulant le voeu d'un deuxième mandat «à l'artisan de la concorde nationale». Ainsi, des localités sont fortement représentées telles Aris, Doufana, Tarigha, Larbaâ, Bridh, Ch'tili ou Bouarif, contrée de l'hadj Lakhdar, valeureux martyr de la Révolution de Novembre. Les habitants de ces recoins se plaignent tous du manque d'eau et demandent à ce que l'on se penche sur leurs problèmes socioéconomiques. A l'instar de cette vieille femme, croulant sous le poids de l'âge et qui réclame des médicaments pour son diabète. La délégation d'El-Mouradia continue de progresser le long de l'avenue, au rythme des chants qu'agrémentent des danses qui traduisent toute l'âme et le caractère franc et rude des Chaouis. De part et d'autre de la chaussée bordée de rambardes et d'une corde en nylon vert, des enfants portent des tee-shirts à l'effigie du Président. Parmi eux, des jeunes louveteaux le gratifient du salut scout. Ce dernier, qui n'a cessé d'accorder accolades et étreintes à qui le désirait, arrive enfin au carrefour donnant sur le boulevard Mustapha-Ben Boulaïd. Un carrefour communément appelé ici Safa et Maroua. A l'embouchure de ce boulevard donnant sur la wilaya, des citoyens du douar El-Hadri retiennent un moment le Président, non loin de fantassins tentant de maîtriser leurs moutures énervées par d'intenses et incessantes salves de baroud. Le chef de l'Etat emprunte donc le boulevard Mustapha-Ben Boulaïd, planté lui aussi d'un fastueux décor de circonstance, dont des posters grandeur nature du Président. Les citoyens de Boularas l'ont même gratifié de youyous qu'accompagnaient de délirants rythmes de zorna, qu'animaient de leurs souffles des artistes en burnous frôlant la transe dans une atmosphère encensée de gatron. La procession présidentielle se déploie, l'on y remarque un Saïd Bouteflika qui contraste par sa tenue avec le reste du staff d'El-Mouradia. Le frère du Président se fait discret et arbore un veston sport et pantalon en flanelle gris. On avance prudemment en territoire aurassien. Le Président arrive enfin au siège de la wilaya où il est reçu par les dignitaires locaux. La jeunesse chaouie n'aura pas chahuté son premier responsable, c'est tout de gagné pour le bain de foule. Somme toute réussi. Pourtant à la veille de cette visite, les archs de Batna avaient mis en circulation des tracts en vue de contrer sinon de contrarier le périple de Bouteflika à travers la wilaya de Batna. Ce plan de la Cccia (Confédération des comités des citoyens d'Ighzer Amelal) a néanmoins été mis en échec par les autorités locales. Car tout a été «aseptisé» dans la cité des Aurès dès l'annonce de l'escale présidentielle. Comme c'est le cas pour le conflit qui oppose transporteurs et wilaya à propos du schéma de desserte à travers la ville. Conflit mis en sourdine le temps d'une visite. Des rumeurs affirment même que des citoyens auraient été ramenés par cars entiers d'autres wilayas pour garantir un accueil digne de ce nom au président Bouteflika.