Les «télé-présidentiables» commencent réellement à se prendre au sérieux. Programme hyper chargé pour les six candidats à la présidentielle, mais qui familiarise les citoyens avec la politique «à la portée de tous». Mieux, la présente campagne a le mérite de «vulgariser» le discours politique et de faire descendre de leur piédestal les plus rigides et les plus charismatiques des politiciens. Hier, à la «faveur» de la mort de cheikh Ahmed Yacine, le leader spirituel du Hamas palestinien, le seul islamiste en lice, Abdallah Djaballah a fait le plein, en usant à fond de l'occasion qui s'est présentée sous la forme de l'assassinat du vieux théoricien du djihad en Palestine. De Bouira à Bordj Bou Arréridj, le discours de Djaballah n'a pas changé: retour aux valeurs de l'islam, démocratie et liberté pour tous et critique acérée du système. Il était une fois dans l'Ouest Cependant, c'est bien le duopôle Bouteflika-Benflis qui fait banco. Bouteflika passe à l'Est, dans les fiefs de Benflis, à Oum El-Bouaghi, Souk Ahras et Tébessa, tandis que le patron du FLN passe à l'Ouest, dans les fiefs acquis de Bouteflika, Sidi Bel Abbès, Aïn Témouchent et Tlémcen. Et si Bouteflika tente d'élever le niveau de la polémique en brandissant comme un trophée ses «promesses tenues», constituées par la trilogie «concorde civile-relance économique-réhabilitation de l'image de l'Algérie», la «fuite» du consulat britannique à Tunis et les nouveaux assassinats qui se perpètrent aux portes d'Alger sont venus de façon fort impromptue contredire son discours. Benflis a joué gros en s'attaquant aux fiefs de l'Ouest, mais il s'en est sorti indemne de «ce guêpier régional» à haut risque. Benflis, dans les propres fiefs de Bouteflika, s'attaque à ce dernier en stigmatisant sa politique et en préconisant de «résoudre tous ces problèmes par la nécessité d'opérer une révision du système de gestion des affaires du pays». Louisa Hanoune reste toujours dans le registre social, qui lui sied à merveille, et qui lui permet de toucher de larges couches de populations déshéritées et toujours sensibles au discours terre-à-terre. C'est encore sa stratégie à Aïn Defla et Chlef, ses deux points de chute et villes meurtries et très affectées par le terrorisme. Le chômage et la précarité qui y règnent ont répondu en écho aux revendications presque syndicales de cette militante de l'extrême gauche. A partir de Mascara, Rebaïne a trouvé un nouveau créneau: s'attaquer à l'«inattaquable» forteresse politique de Bouteflika. «La réconciliation est restée tributaire des calculs politiques», a précisé, hier, avec un large sourire le porte-parole et fondateur de Ahd 54, et qui s'est défini le plus sérieusement du monde comme «l'homme du changement». Le «changement» a été aussi le credo de Saïd Sadi, qui s'attaque à trois villes à la fois: Biskra, El-Oued et Batna. Ghaïta-band et youyous-boys Pour le président du RCD, qui ne sait plus quelle stratégie adopter en Kabylie, il s'agit avant tout d'aller voter, le «changement» se fera par la suite, et de lui-même. N'allez surtout pas croire que tout ce tohu-bohu des candidats et de leurs représentants locaux se fait dans la douleur. A côté des dérapages constatés ici et là, il faut aussi relever que dans beaucoup de villes et villages de Djelfa, El Bayadh, Laghouat, Mécheria, Saïda, Ghardaïa, El Tarf, Biskra et j'en passe, les «campagnes de proximité» se font autour d'un méchoui, d'un couscous garni, d'une «chakhchoukha» ou d'un «z'riti» bien épicé, le tout assorti de musique du terroir. Tiens, d'ailleurs, beaucoup de nouvelles chansons ont été innovées et immédiatement mises sur le marché, notamment par les fans de Benflis et de Bouteflika. Le «best of» reste le CD vantant le président-candidat et dont les paroles sont accompagnées de fond musical raï, kabyle, chaoui et hip-hop. C'est le nouveau message de la «musique réconciliation».