Un kilogramme de pomme de terre s'est vendu hier à 100 DA. Gaz et électricité se font aussi désirer. Hier, mardi, 13 heures. Nous arrivons au village Issiakhem Oumeddour, 7 km à l'est de la ville de Tizi Ouzou. Après moult pérégrinations et autant de déceptions, notre espoir reste vif quant à l'éventualité de dénicher au moins une bouteille de gaz butane. Le village Issiakhem Oumedour constitue notre ultime espoir, car il est alimenté en gaz de ville. On peut donc en trouver, avait-on pensé candidement. C'était être trop optimiste. Tous les propriétaires de magasins qui avaient l'habitude de vendre du gaz butane nous répondent par la négative. S. Amar, propriétaire d'un ancien magasin d'alimentation générale, confirme que depuis mercredi dernier, aucune livraison n'a été effectuée. C'est dire que même dans les localités dotées de gaz de ville, l'angoisse de la neige a sévi. Quand il neige, le premier réflexe de tout citoyen kabyle, c'est de faire le plein en gaz butane, quand bien même il n'en aura pas besoin puisque alimenté en gaz naturel. «On ne sait jamais dans ce pays, et avec cette mauvaise gestion à tous les niveaux, tout est possible. Tu peux te réveiller le matin, tourner le robinet à gaz, et rien ne sortira...», prévient un quinquagénaire, père de cinq enfants et habitant au village Sikh Oumeddour. Notre interlocuteur se plaint, car bien qu'allumé H 24, le chauffage de sa maison n'arrive pas à maintenir une certaine chaleur chez lui. Nous quittons Issiakhem Oumeddour et avant de se rabattre sur l'autoroute de Oued Aïssi, où des gendarmes continuent à assumer leur travail, contre vents et marée, une voiture, avec à son bord trois hommes, nous fait un coup de phare. Le conducteur nous demande s'il n'y a pas un dépôt de gaz butane dans le village... C'est dire qu'en temps de neige, rien, absolument rien ne peut ravir la vedette au gaz. Sauf l'augmentation des prix particulièrement ceux des fruits et des légumes. Un kilogramme de pomme de terre s'est vendu hier à 100 DA. La priorité reste toutefois le gaz. A Tizi Ouzou-ville, à Draâ Ben Khedda, à la Nouvelle-Ville, etc., il n'y a aucune trace de gaz butane. Chaque commerçant interrogé, s'il a du gaz, joint à son non systématique, une autre phrase résumant tout: «Ce n'est pas la peine de chercher». Dans une longue file au village Levdahi sur la route de Ouaguenoun, un homme, la soixantaine, qui arbore un sourire malgré la conjoncture, ironise: «C'est en quelle année, la cassette où Matoub chantait sur les pénuries de gaz?» - «En 1983», répondons-nous. Trente ans plus tard, rien ne semble avoir changé en dépit des séquences triomphales et pleines de populisme du journal de 20 heures de l'Entv montrant les cérémonies de branchement de certaines localités au gaz de ville. L'électricité aussi a fait défaut au moment où le citoyen en avait le plus besoin. S'il n'y avait pas la coupure d'électricité ayant touché la quasi-totalité des localités de la wilaya, les choses auraient été plus simples. Dans une commune comme Boudjima, 22 km au nord de Tizi Ouzou, les vingt-quatre mille citoyens qui y habitent sont sans électricité depuis vendredi dernier. Hier, c'était la cinquième journée dans le noir. Le maire de la localité, qui a tenu à superviser personnellement la gestion de cette crise, rencontré au moment où un chasse-neige de fortune tentait de balayer des montagnes de neige, déplore que les dégâts occasionnés par la neige soient énormes. «Depuis ce matin, les agents de Sonelgaz sont là, mais il y a plus d'un endroit où des problèmes se posent. Le rétablissement de l'électricité risque encore de prendre du temps», souligne M.Boukherroub, président de l'APC de Boudjima, l'une des communes les plus sérieusement affectées par les importantes chutes de neige. Après les efforts fournis par les employés de Sonelgaz, l'électricité n'a pu être rétablie que dans un tout petit quartier de la commune. Tous les autres villages demeurent privés de lumière à l'instar de Boudjima Centre, Afir, Isseradjène, Tarihant, Agouni Oufeqous, Yaskrene, Yafajene... Hier, dans la matinée, les services de la direction de Sonelgaz ont annoncé le chiffre de 22.000 foyers dépourvus d'électricité sur l'ensemble de la wilaya. Les forces de l'ANP se sont mises de la partie pour sauver des vies humaines puisque depuis hier le risque de morts causées par les chutes de neige peut s'amplifier. Jusqu'à hier, on parlait de six morts mais diverses raisons en sont à l'origine, et seul un citoyen a été tué par une avalanche de neige sur les hauteurs de Aïn El Hammam. Les autres décès sont imputés à d'autres circonstances comme l'inhalation du monoxyde de carbone. Jusqu'à hier, dans certaines localités de l'ex-daïra de Aïn El Hammam, les plus en proie aux affres de la neige, la vie était très difficile. Les risques de pénurie en alimentation étaient grands, mais beaucoup moins que ne l'est Dieu que ne cesse de prier tout le monde pour que cesse ce cauchemar, car c'en est un. Seuls les enfants y voient un beau rêve.