Désespérément humaniste, l'auteur «guette» ce bon côté chez l'autre. Après avoir fureté de sa plume dans différents quotidiens et hebdomadaires, publié des contes pour enfants et s'être essayé pour le compte de la télévision à écrire un sit-com pour la jeunesse, Ahmed Ben Alam, grand journaliste, actuellement au quotidien L'Expression, vient de publier aux Editions ANEP, un recueil de plus de 40 contes sous le générique L'animal qui dort en moi. Une partie a été écrite et éditée dans l'hebdomadaire L'Indépendant en 1995 et l'autre quand L'Indépendant a dû cessé de paraître, entre septembre 95 et février 98. Une particularité que les éditeurs ont omis de signaler. «Quand les humains sont inquiets, les animaux domestiques en ressentent-ils quelque chose? C'est partant de cette interrogation qu'un journaliste se met dans la tête cette idée saugrenue d'aller voir une voyante ou si vous préférez une guezana pour qu'elle lui permette, par le truchement d'une potion magique, d'entrer dans la peau d'un animal. Pourquoi donc? Et bien pour faire un sondage sur les malheurs qui frappent l'Algérie.» Notre journaliste casse-cou, accepte le risque qu'il encourt. Ne jamais retrouver forme humaine. Quitte à errer toute sa vie dans la peau d'un animal à un autre...soit! Et le voyage commence. Au fur et à mesure de ses pérégrinations à travers les quatre coins de l'Algérie, notre reporter connaîtra différentes vies plus ou moins chaotiques, toujours auprès des humains. Il sera tantôt un chat, un chien, un crapaud, un singe, un coq, un perroquet, un lézard, un cafard et même un moucheron et j'en passe...Or, paradoxalement, il n'apprendra que dalle sur les sentiments des animaux, non pas qu'ils n'en ont pas, mais sera plutôt à chaque fois le témoin caché de ces innombrables drames qui ont ensanglanté et endeuillé le pays durant la décennie noire. Témoin aussi de situations cocasses et de confidences intimes. Brouillée, peine perdue, son enquête tâtonne. La société devient elle-même une jungle où règne l'anarchie. Sous l'apparence métaphorique de ces contes, le contenu politique est sous-jacent. La fiction rejoint la réalité. L'on comprendra donc aisément de qui on parle dans ces contes. Et la note inscrite en début de page du recueil faisant état de la coïncidence avec des personnes réelles n'y fera rien. «Je pense que nous devons par le biais du conte, de ce genre d'histoire, redonner à l'enfant le goût, l'amitié des animaux. Parce que les animaux apprennent aux enfants ce qu'est la tendresse, à voir la vie autrement. Je pars de l'idée que l'animal a un bon fond. Je pense qu'on est en train de se déshumaniser. Pourquoi la société se déshumanise-t-elle? Parce qu'elle est coupée de la nature», explique Ahmed Ben Alam. C'est dans un style acerbe, sur un ton grave et parfois ironique que l'auteur s'est laissé aller, non sans une pointe de fantaisie, à nous conter les remous quotidiens d'une Algérie blessée. Se sentant plus à l'aise dans la fiction, l'auteur insiste qu'il n'est pas journaliste par vocation. «Il est arrivé un moment où j'en avais ras-le-bol. Je voulais prendre du recul par rapport à ça...», révèle-t-il. D'où la raison de l'écriture de ces contes. Et Ahmed Ben Alam d'achever: «l'écriture, c'est la vie. Quand on écrit, on cherche son identité, par rapport aux autres.»