«La censure est un triste aveu de faiblesse.» Kurzas A regarder l'histoire des différentes civilisations qui ont existé sur la planète, on peut s'apercevoir que les critères de censure diffèrent d'une société à une autre et que ces mêmes critères évoluent dans le temps, suivant le développement de société en question. Ainsi, la société indienne qui a produit le Kama-Sutra au IVe avant Jésus-Christ, ne peut supporter actuellement des baisers en public ou dans les oeuvres d'art. On dit généralement que les sociétés commencent par une période austère avant de connaître la permissivité à leur apogée. Les détracteurs de la liberté d'expression pensent que la licence est facteur de décadence et que la dissolution des moeurs entraîne irrémédiablement celle de la société. En vérité, à regarder la civilisation occidentale celle-ci se porte de mieux en mieux, depuis que l'Eglise est séparée de l'Etat et que tombent les tabous au fil des progrès sociaux et technologiques. Les sociétés qui ne produisent pas de nouvelles technologies sont condamnées à l'immobilisme et au règne abusif de toutes sortes de censures. C'est le cas des pouvoirs politiques qui s'abritent derrière des interdits religieux. La censure est la limitation arbitraire ou doctrinale de la liberté d'expression de chacun. Elle passe par l'examen du détenteur d'un pouvoir (étatique ou religieux par exemple) sur des livres, journaux, bulletins d'information, pièces de théâtre et films, etc. - et ce - avant d'en permettre la diffusion au public. Par extension, la censure désigne différentes formes d'atteintes à la liberté d'expression, avant et/ou après leur diffusion (censure a priori et a posteriori). Elle peut être limitée dans le temps (comme en temps de guerre ou réservée à un seul article) ou appliquée continuellement à une espèce de production. Dans certains cas, le génocide est la forme extrême de la censure: l'extermination des Mayas par les Espagnols est accompagnée de la destruction des supports culturels périssables. La destruction de la bibliothèque d'Alexandrie par les armées musulmanes est une autre forme de censure. On peut distinguer la censure politique (limitation par le gouvernement de la liberté d'expression) de la censure indirecte, non officielle, mais sous forme de pression, en particulier une forme de censure économique (due notamment à la concentration des médias, au monopole des moyens de production et de diffusion, à la mainmise sur la publicité qui est devenue le principal moteur de certaines formes d'expression, etc.); on peut aussi ajouter les phénomènes d'autocensure. La censure peut aussi être institutionnelle ou sociale par la privation de l'information disponible à des particuliers ou à un groupe. Cette forme de censure peut se justifier dans certains cas pour des raisons médicales (voire psychiatrie), mais elle prend majoritairement une forme négative. La censure positive peut prendre aussi la forme de censure liée à l'âge. Un tel type de censure positive comporte par exemple la classification de films selon la thématique. La censure a tellement pesé sur la création artistique qu'elle est personnifiée et représentée en Occident sous la forme d'Anastasie tenant de grands ciseaux. Ce sont surtout les pouvoirs politiques qui utilisent cette forme de répression de l'expression: en France, ce sont les docteurs de la Sorbonne qui donnaient des avis qui avaient force de loi sur les productions littéraires ou sur les usages. Les Uléma qui lancent des fetwas à toute occasion, d'El-Azhar, n'ont fait que suivre cet usage. François 1er fut le premier roi à utiliser personnellement la censure: il interdit l'impression des livres pour lutter contre la production d'oeuvres luthériennes. Il dut revenir sur cette décision car des placards clandestins affichés dans tout Paris le ridiculisèrent. Si dans le passé, la censure est souvent utilisée par les autocrates, de nos jours elle est l'arme préférée des intégristes: la Tunisie connaît actuellement ces errements tragiques: le harcèlement judiciaire d'un directeur de chaîne de télévision qui a diffusé un film d'animation iranien et l'incarcération pure et simple d'un patron de journal qui a reproduit la photographie d'une nudité, prouvent que les Tunisiens n'ont pas gagné en liberté en faisant leur révolution. La cinémathèque de Bordj Bou Arréridj a connu un pareil épisode de harcèlement quand les énergumènes de l'ex-FIS faisaient la loi sous l'oeil complaisant des autorités.