En ville, toutes les boutiques vendent surtout des articles pour femmes Les magasins ont rivalisé en slogans et autres affiches attractives pour intéresser une clientèle au pouvoir d'achat rogné. Les soldes en Algérie obéissent-elles à la réglementation entrée en vigueur en janvier 2008? Rien n'est moins sûr. Au-delà des lois, cette pratique commerciale autorisée respecte-t-elle les valeurs inhérentes à notre culture nationale? Les magasins commerciaux pratiquant le système des soldes sont contrôlés depuis le 19 janvier 2008, date à laquelle les pouvoirs publics ont décidé de protéger le marché tant pour le consommateur que pour le commerçant qui a recours à cette pratique pour assainir son affaire. Cette mesure, on ne peut plus salutaire, avait été prise en charge par la direction du commerce de la wilaya d'Alger. Lors de son institution, cette disposition devait être appliquée progressivement pour atteindre les différentes régions du pays qui ne connaissent pas cette pratique mercantile. Elle devait ainsi remettre de l'ordre dans cette forme d'activité commerciale rentable qui commençait à connaître une véritable anarchie qui, du reste, demeure jusqu'à ce jour. Ainsi, rappelle-t-on, la loi en ce domaine a fixé la fréquence des soldes au nombre de deux fois l'an, cela pendant six semaines chaque période. Celles-ci se sont étalées cette année respectivement du 18 janvier au 28 février inclus pour la période hivernale et seront de retour en juillet/août pour 40 jours à l'orée de la saison estivale pour la préparation de l'hiver. Cela étant, nombre de commerçants, hélas, soldent leurs stocks hors saison à n'importe quel moment, sans respecter aucunement la réglementation de cette option commerciale intéressante tant pour le négociant que pour le client lambda. Les magasins d'Algérie ont rivalisé ces dernières semaines en slogans et autres affiches attractives pour intéresser une clientèle érodée dans son pouvoir d'achat et qui se fait de plus en plus rare. Relevons qu'aucune publicité n'est affichée en langue nationale. Elle l'est partout en langue étrangère (français et même en anglais) comme rivalisent les enseignes d'Alger «chic». La vérité est tout autre Hormis les magasins de vêtements traditionnels de femmes qui exposent des «karakou», «caftan» ou encore «mansouria», dont le port et l'usage sont consacrés, les soldes permettent aux commerçants d'être toujours «à la page» en renouvelant des collections devenues obsolètes par le temps et de gagner une clientèle nouvelle en leur cédant à bon prix des articles anciennement en stock. En ville, toutes les boutiques, vendant surtout des articles pour femmes et enfants, étaient parées pour l'événement. Le constat de cette opération hivernale nous renseigne sur l'intérêt que «Madame et Monsieur tout-le-monde» portent à cette pratique que semble épouser le consommateur algérien qui espère par là faire des économies substantielles lorsque ces ventes se font sans tricherie aucune. Tout le monde y trouve son compte apparemment, mais la vérité est tout autre en ce qui concerne la qualité des articles proposés. Cependant, ces rabais permettent aux commerçants d'écouler leurs anciens stocks invendus et souvent déclassés. Le consommateur averti n'est pas dupe, comme l'affirmait une potentielle cliente. «Oui, remise il y a, mais pas à ce taux de réduction qui ressemble fort bien à un délestage.» Toutefois, les petites bourses au pouvoir d'achat érodé par de multiples dépenses incontournables s'emploient à dénicher, souvent en vain, la bonne affaire à des prix acceptables. La législation en vigueur, rappelle-t-on, exige des commerçants une autorisation leur permettant d'appliquer des soldes sur la marchandise proposée à la vente, et cela après le dépôt auprès de la Direction du commerce d'une demande manuscrite définissant les produits soldés ainsi que leurs anciens et nouveaux prix, lesquels prix devraient être visiblement affichés en vitrine ou sur l'étalage. Une fois autorisés par la direction du commerce de la wilaya, les commerçants peuvent annoncer, en fait rarement chez nous, avec un tapage publicitaire comme sous d'autres cieux, le début de la période des soldes dans leurs magasins et afficher ainsi les nouveaux prix des articles proposés. Selon les mesures fixées, les soldes sont autorisées deux fois par an (juillet et janvier). Toutefois, la majorité des commerçants ne respectent pas les dates légales et procèdent, parfois à longueur d'année, à des opérations, qu'ils appellent de façon erronée et illégale «soldes», par de simples affiches alors que ce ne sont que des opérations de promotion orchestrée par une timide campagne publicitaire menée bien auparavant, à tel titre que l'on apprend par ouïe-dire que des soldes se tiennent dans tel ou tel magasin de renom. Ces ventes sont d'ailleurs attendues par une clientèle fidèle au parfum de ces opérations bien auparavant. Un décret exécutif, élaboré en 2006, régule strictement ce type d'activité. Il stipule que «les ventes en solde ne peuvent porter que sur des biens acquis par le commerçant depuis trois mois au minimum à compter de la date du début de ces ventes». Les contrevenants à ce décret risquent normalement une verbalisation dont l'application reste cependant difficile à prouver. Il définit également la période des soldes. En dépit de l'existence de ces textes réglementaires, la pratique commerciale des soldes en Algérie a été longtemps livrée au désordre que l'on connaît. «50% de réduction», «prix choc», «dernier mot», «tous les articles à 1000 DA», «deux en un»...et j'en passe. Le marketing montre ses talents. Il bat son plein et les appâts ne manquent pas. Les prix proposés sont lisibles sur des affiches colorées bien apparentes accrochées sur les vitrines de la majorité des magasins de la cité en cette période. Presque unanimes sont toutefois les commerçants à dire que «les trois meilleures soldes sont celles qui coïncident avec la fin du Ramadhan et l'Aïd, la fin de l'été et la rentrée scolaire... Ce sont de vraies affaires qui se font pendant cette période», avouent-ils en déplorant la dernière période de soldes qui, en réalité n'en était pas une pour eux. La concurrence de plus en plus rude Hommes et femmes, accompagnés souvent de leurs enfants surtout pour vérifier les tailles et pointures, car tout article vendu n'est ni échangé ni remboursé, telle est la règle, se rendent en ces lieux. Ils se bousculent pour choisir vêtements, chaussures et autres articles et semblent être satisfaits des prix proposés si l'on juge par leur autosatisfaction. Si pour certains, ces ristournes ne sont que de la poudre aux yeux, d'autres, aux revenus limités, estiment que les réductions proposées sont quand même conséquentes. La concurrence s'avère de plus en plus rude. Nombre de commerçants sont allés jusqu'à 60% de réduction, une remise alléchante pour une certaine catégorie de clients même si la qualité des articles affichés laisse parfois à désirer. La plupart des employés vendeurs approchés par L'Expression constatent que ce sont les citoyens à faible revenu qui sont les plus intéressés par ces rabais, contrairement aux citoyens de condition sociale plus aisé qui ne croient d'ailleurs guère à ces ristournes. Beaucoup de commerçants s'aventurent au-delà des dates prescrites par l'administration en continuant à faire des rabais appréciables en invitant les clients à revenir plus tard même après cette période. Malgré des remises qui sont allées jusqu'à 60% du prix initial, force est de constater que les petites bourses n'en profitent pas totalement. «De la poudre aux yeux», «aucun contrôle quant à l'état des articles proposés», tels sont quelques-unes des réflexions entendues ici et là auprès d'éventuels clients rencontrés lors de l'enquête menée par L'Expression. Malgré ces multiples avis partagés, le phénomène des soldes contribue tant bien que mal à la relance d'une activité commerciale morose et à l'écoulement des stocks de marchandises, à condition que cela se fasse suivant des règles et sous l'oeil attentif des services de contrôle pour protéger le consommateur. D'aucuns soupçonnent un «blanchissement d'argent» à travers ces pratiques commerciales, sujet tabou et invérifiable de toute façon. A ce propos, notre journaliste enquêteur a été «vertement» rabroué dès sa question posée à ce sujet et qui ne visait pourtant aucun commerçant en particulier mais juste des soupçons sur les pratiques décriées par certains commerçants honnêtes. D'aucuns possédant deux (ou trois) magasins, soldent les stocks en affichant, pour le même article vendu à un certain prix dans les deux autres boutiques, des prix fort alléchants comparativement. De son côté, l'Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa) avait salué le décret de 2006 qui s'employait à remettre de l'ordre dans ce secteur d'activité relative à la vente promotionnelle de soldes et de liquidation de stocks en passant par les opérations de «baisse des prix» qui ont cours tout le long de l'année. Ces dernières sont souvent entachées d'irrégularités, comme celles de s'approvisionner de ballots de fringues de qualité douteuse, parfois usagées et retapées afin d'être vendues à une clientèle, démunie à la limite, venue à la recherche d'une «affaire».