L'économie nationale n'est peut-être pas encore sortie de l'auberge avec une hypothétique victoire de la mouvance islamiste aux élections législatives du 10 mai, c'est sa «bazardisation» qui devrait s'accélérer. Comment les islamistes comptent-ils gérer la rente pétrolière? Feront-ils la guerre au secteur de l'informel? Ces questions ne sont pas abordées de plain-pied par des hommes qui veulent prendre en main les destinées du pays. Il s'agit pourtant, du bien-être de ces Algériens dont ils sollicitent la légitimité. Les priorités sont aussi apparentes qu'une verrue sur le visage. L'Algérie, qui dépend à près de 98% de ses exportations en hydrocarbures et qui s'est fixée comme objectif de diversifier son économie, n'est pas assurée que ce défi soit relevé. Pourquoi? Pour la simple raison que l'arrivée de la mouvance islamiste au pouvoir, qui a déjà démontré par le passé qu'elle excellait dans la pratique de l'économie de bazar, ne représente pas un gage qui puisse la sortir du stade archaïque dans lequel se complaisent des acteurs économiques qui se sont saisi de l'opportunité que leur offre l'absence de modernisation du secteur bancaire et financier pour faire leur beurre. Non-utilisation du carnet de chèques, transactions en cash... S'il y a une sphère qui a fait la part belle aux «frérots» c'est bien celle de l'informel qui brasse quelque 40% de la masse monétaire. Ils s'y sentent comme des poissons dans l'eau et bénéficient d'une certaine complaisance de la part d'une administration qui n'est pas très regardante en ce qui concerne la pratique d'un certain type de commerce (marchés de gros de l'alimentation, du textile, de l'importation des métaux précieux ou de celui de l'habillement, friperie)... dans le cadre de la stricte observation de la loi: registre du commerce, impôts sur les revenus, travail au noir. Le secteur du commerce a eu comme particularité d'avoir à sa tête deux ministres de la tendance islamiste. Mustapha Benbada a succédé à El Hachemi Djaâboub au mois de mai 2010. Ils appartiennent au Mouvement de la société pour la paix. Ils ont eu à gérer des flambées des prix des fruits et légumes et de produits de consommation de base sans précédent. Le second s'étant illustré lors de la crise de la pomme de terre qui avait atteint les 100 dinars le kilogramme, en 2006, en refilant la patate chaude à son collègue de l'agriculture, Saïd Barkat. Les deux hommes se sont mutuellement accusés. Pour expliquer les tenants et les aboutissants des crises successives, ils ont pointé du doigt, à chaque occasion, les spéculateurs. Une mafia tapie dans l'ombre à laquelle on ne prête ni nom ni visage. «La commercialisation de 65% des fruits et légumes échappe au contrôle» avait reconnu El Hachemi Djaâboub. Qu'a-t-on fait pour y remédier et mener «une guerre frontale» contre ceux qui tirent les marrons du feu, selon une formule consacrée dont la paternité est attribuée à l'économiste Salah Mouhoubi? Rien vraisemblablement. Et pour preuve. La crise de l'huile et du sucre qui s'est soldée par de violentes émeutes au début du mois de janvier 2011 a été révélatrice de l'impuissance des pouvoirs publics à lutter efficacement contre les barons de l'informel qui ont allègrement transgressé les lois et opéré dans une opacité que ne pouvait leur garantir qu'un secteur de l'économie dont la «bazardisation» a été érigée en système. L'actuel ministre du Commerce avait imputé, à l'époque, la fulgurante hausse des prix, de l'huile et du sucre «aux pratiques illégales de certains commerçants qui ont vendu les anciens stocks à des prix élevés et injustifiés, notamment après que les producteurs eurent imposé aux grossistes de nouvelles conditions pour les amener à se conformer aux lois en vigueur». Pris la main dans le sac, tout ce beau monde allait pourtant s'en tirer à bon compte. Pour un retour à la normale, Mustapha Benbada avait convenu de surseoir à la loi qui interdit de traiter avec les commerçants de gros ne possédant pas de vrais registres du commerce. Une fleur pour le secteur de l'informel qui prive, annuellement, le Trésor public de quelque 50 milliards de dinars. Le 10 mai 2012 consacrera-t-il ce type de gestion? En cas de victoire, les islamistes pourraient le perpétuer..