Krim Belkacem, à la tête de la délégation algérienne, prononçant une allocution à l'aéroport de Genève On ne sent pas cette fièvre des préparatifs pour un événement exceptionnel. Dans un peu plus de quinze jours, l'Algérie célébrera le cinquantième anniversaire des Accords d'Evian, du 19 mars 1962, baptisé officiellement Journée de la Victoire. Un moment historique qu'on ne saurait occulter du fait que cette date constitue une étape qui a permis l'avènement du 5 Juillet, c'est-à-dire l'Indépendance nationale. Ce 19 mars a été donc l'aboutissement de plus de sept années de guerre, le sacre de la Révolution. C'est en ce jour qua été signé le cessez-le-feu. Krim Belkacem avait apposé, seul, sa signature -compliquée disait-on- face à celles des trois autres représentants de la France. On ne saurait d'ailleurs rendre suffisamment hommage à cet homme exceptionnel qui avait déjà commencé la guerre contre la France en 1947! Tout autant que les autres martyrs, pour dire que cette date n'est pas un simple fait d'armes de notre Histoire. Il y a quelques années déjà, nombreux étaient les hommes politiques et historiques à revendiquer que cette date soit chômée et payée. Seulement voilà, à la veille de cette date-repère, on ne voit rien venir. On ne sent pas cette fièvre de préparatifs pour un événement exceptionnel. Ni conférence de presse, ni programme télé, ni débats. Il y a comme une volonté de ne pas faire grand, voire de passer sous silence ce repère historique. Combien de jeunes Algériens aujourd'hui connaissent-ils la Déclaration du 1e Novembre 1954, combien de jeunes Algériens saisissent-ils la signification du Congrès de la Soummam, du 20 Août 1956 et tant d'autres évènements fondateurs de notre Histoire, de notre état? Au début de cette année, il a été décidé de charger la ministre de la Culture, Khalida Toumi, d'organiser ce cinquantenaire, de lui donner, entre autres festivités, la place qui lui convient. Un budget a même été dégagé lors d'un Conseil des ministres. Mais depuis, rien n'a filtré sur la suite réservée à cette célébration. Cette façon de chuchoter l'Histoire, ne rend pas service à l'Histoire. Mais cela renseigne sur les tiraillements qui sous-tendent cet événement fondateur. A l'évidence, on ne peut pas fêter cet événement sans s'arrêter sur le sort du projet national, sans faire le bilan de la gestion de toute une génération. Ou alors faut-il réinventer les mythes de l'Algérie et rebâtir une nouvelle légitimité autre que celle de l'Histoire et de la Révolution? En attendant, il y a donc comme une léthargie de la société, de l'Université, des organisations sociales, des anciens moudjahidine, les médias publics et privés... Mais cette histoire est partagée. En face, il y a la France, elle en fait partie. Interrogé sur la question, l'ambassadeur de France à Alger Xavier Driencourt, a affirmé que cet anniversaire est une fête algérienne et que son pays n'y prendra part que si il est invité. Au même moment, la France bouillonne. L'ambiance tranche avec la morosité d'Alger. Et pourtant! Jean-Pierre Chevènement, président de l'Association France-Algérie, a estimé, il y a quelques jours à Tlemcen, que le cinquantenaire du recouvrement de l'indépendance de l'Algérie peut être un «tremplin pour développer des relations profondes entre les deux pays qui peuvent aller très loin ensemble». Des colloques, des forums, des rencontres-débats, des témoignages, des films de programmes spéciaux. C'est TV5 Monde qui a donné le «la» de ces festivités, cette semaine, au vu et au su de la Télévision algérienne. A la faveur de la célébration du 50e anniversaire de l'Indépendance nationale, la chaîne française TV5Monde propose tout au long de l'année 2012, une programmation spéciale Algérie sur tous les signaux: documentaires, fictions, cinéma, musiques, ainsi que des émissions sur la guerre de Libération nationale. TV5 Monde n'est pas la seule à s'y mettre. Plusieurs personnalités en France se sont mobilisées pour la réussite de l'année du cinquantenaire de l'Indépendance de l'Algérie. Intellectuels, journalistes, acteurs politiques sont au front de la «Fraternité» entre la France et l' Algérie. Dans ce contexte, la préparation de la 4e édition du Festival des droits humains et des cultures du monde de l'Haÿ-les-Roses (Ile-de-France) bat son plein sous le thème «L'Algérie aux couleurs de la fraternité». A la tête de ces personnalités se trouvent l'écrivain, economiste et conseiller d'Etat honoraire Jacques Attali et la journaliste Flaurence Aubenas. On compte aussi des personnalités politiques telles que le maire de Paris, Bertrand Delanoë, Harlem Désir, député PS au Parlement européen, et Lionel Jospin, ancien Premier ministre. L'Algérie a encore trois mois pour faire de cette date un événement grandiose qui culminera avec une fête mémorable, la nuit du 4 Juillet 2012. Encore faut-il s'y mettre!