Bien rares seront les travailleurs qui toucheront l'intégralité des 2000 dinars annoncés. La tripartite a pris fin sur une note de relative gaieté et bonhomie. Les lumières se sont éteintes et les acteurs sont rentrés chez eux. Les travailleurs en particulier et le peuple en général ont accueilli avec joie les 2000 dinars de hausse du Snmg. Une hausse, il est vrai, qui touchera tous les travailleurs sans aucune exception, qu'ils fassent partie de la fonction publique, ou du secteur économique, y compris chez le privé. Ce n'est pas pour rien, au demeurant, que Ouyahia a indiqué que les répercussions financières de cette revalorisation sont de l'ordre de 40 milliards de dinars annuellement. Mais qu'en est-il au juste? Les choses sont loin d'être aussi simples que cela. Dans un entretien exclusif que nous avait réservé Abdelmadjid Sidi-Saïd à la veille de la tripartite, il avait parlé d'un véritable «coup de poignard dans le dos de l'Ugta» en évoquant l'article 87-bis de la loi 90-11. Les travailleurs du secteur économique en seront les grands perdants. Les précédentes revalorisations, depuis celle de 97, n'ont pas tellement profité aux travailleurs du secteur économique, notamment les entreprises ayant des difficultés financières en raison de l'amendement de l'article 87 de la loi 90-11 relative aux relations de travail par le décret législatif n° 94-03 à travers l'introduction de l'article 87-bis qui stipule que «le Snmg applicable dans les secteurs d'activité est fixé par décret après consultation des associations syndicales des travailleurs et des employeurs les plus représentatives. Pour la détermination du salaire minimum garanti, il est tenu compte de l'évolution de la productivité moyenne nationale enregistrée, de l'indice des prix à la consommation et de la conjoncture économique générale.» L'article 87-bis dispose lui que le salaire minimum garanti prévu à l'article ci-dessus comprend le salaire de base, les indemnités et primes de toute nature à l'exclusion des indemnités versées au titre de remboursement de frais engagés par le travailleur. C'est-à-dire que les primes imposables seront comprises dans le calcul du Snmg par l'employeur. Le gain pour les travailleurs ne seront pas importants. Ils peuvent, dans certains secteurs, n'être que de quelques centaines de dinars à peine sur les 2000 prévus dans l'accord. L'heure de déchanter a bel et bien sonné. L'Ugta qualifie de supercherie de pareils procédés du pouvoir. Sidi-Saïd explique qu'avant l'entrée en application de cet accord, chaque secteur devra entrer en négociations. Cela se fera très probablement entre les fédérations et les ministères sous la forme de nouvelles conventions de branches. Il est prévu que les dossiers et les accords soient finalisés comme de juste avant la fin de l'année, date d'entrée en vigueur de ces hausses qui apportent plus de questions que d'argent. Cela, au moment où la Centrale a de nouveau brandi un document très détaillé, élaboré par des experts, dans lequel il est prouvé qu'il ne faut pas moins de 22.000 dinars à une famille de sept personnes pour subvenir à ses besoins les plus vitaux. Ainsi, et même si les pouvoirs publics n'hésitent pas à faire des concessions sociales à l'approche de la présidentielle, elles oeuvrent quand même à reprendre d'une main ce qu'elles accordent de l'autre.