Le responsable de la 5e Région militaire a été quelque peu réhabilité par l'opération des Babors. «Nous avons arrêté, je dis bien arrêté 28 terroristes, et nous en avons tué 10 autres.» «Ceux que nous avons arrêtés nous ont combattus jusqu'à épuisement de leurs munitions, ils ne sont pas des repentis. Il a fallu pour certains d'entre eux utiliser des gaz lacrymogènes pour les déloger des caches dans lesquelles ils se sont tassés.» «L'opération des Babors est une réussite, en ce sens où elle a permis de sécuriser la région tout entière.» Celui qui parle ainsi est le général-major Saïd Bey, commandant de la 5e Région militaire et dirigeant du mégaratissage des Babors. Après son passage à vide, durant lequel il a broyé son pain noir, Saïd Bey s'illustre, pour la première fois, devant les médias pour donner un bilan - positif, évidemment - de l'opération qu'il a menée et dirigée avec l'appui du général Amar Belkacemi, commandant régional adjoint, depuis le 11 septembre 2003, date-symbole dont l'impact médiatique est évident. En fait, Saïd Bey a été - surtout - éclaboussé par la série de massacres collectifs qui ont été perpétrés dans la Mitidja et la proche périphérie d'Alger en 1997 et qui ont mobilisé une large contestation internationale - Raïs, Bentalha, Beni Messous, Relizane... Pour certains de ces carnages, on avait lancé de virulentes critiques envers les responsables militaires de la 1re Région militaire, dont Saïd Bey, accusés de lourdeur dans la riposte et l'intervention. Cette période très difficile pour l'armée a contraint le général de corps d'armée à opérer des remaniements. Saïd Bey sera muté...à Bruxelles, où il exercera en tant qu'attaché militaire de l'Algérie auprès de l'OTAN. La nouvelle vedette de la lutte antiterroriste, le général Fodhil-Cherif Brahim, ne va pas tarder à s'illustrer. L'opération d'Ouled Allel, de Gaïd Gacem, le démantèlement des réseaux de la Mitidja ont mis au-devant des sunlights un général audacieux, svelte et qui fait de l'action directe, au coeur de «l'enfer vert» du GIA, son sacerdoce. Le dernier grand coup médiatique de Fodhil-Cherif Brahim (il tient beaucoup à son Brahim) sera la neutralisation, le 8 février 2002, d'Antar Zouabri, le sanguinaire d'un GIA crépusculaire. Curieusement, c'est à partir de cette date que le commandant de la 1re Région militaire commence à s'effacer, bien qu'il reste un des plus proches collaborateurs du général de corps d'armée Mohamed Lamari. Entre-temps, Saïd Bey, un des proches de Lamari, rentre de Bruxelles et se voit confier la 5e Région militaire, devenue, par la seule présence du Gspc, plus dangereuse que la 1re Région. En janvier 2003, 42 commandos sont tués à Batna par un important groupe local du Gspc, devenu en deux ans - 1998-2000 - le groupe armé le plus important du pays, le plus structuré et le plus hégémonique, grâce à une stratégie militaro-terroriste très particulière. C'en était trop pour le général-major Saïd Bey. Immédiatement, un important ratissage est lancé entre Batna et Biskra, mais les résultats ont tardé à venir. C'est dans cet esprit qu'est intervenue l'opération des Babors, qui a bénéficié d'un battage médiatique très particulier, et qui peut signifier qu'il a été permis par le général de corps d'armée, Mohamed Lamari lui-même, dans le but de «renflouer» son fidèle compagnon Saïd Bey. Le danger s'est déplacé, en peu d'années, du Centre (Alger, Blida, Médéa, etc.) au Centre-Est. C'est-à-dire dans l'aire d'activité de Saïd Bey. Le GIA a cédé l'hégémonie du terrorisme armé au profit du Gspc, et si Fodhil-Cherif Brahim a eu son trophée - le corps inerte d'Antar Zouabri -, Saïd Bey compte bien avoir la peau de Hassan Hattab, qui continue d'agir «dans ses quartiers» et de sévir, épisodiquement, certes, mais de manière tout à fait efficace. Le coup d'éclat de Saïd Bey est aussi à placer dans une perspective de décryptage des stratégies de puissance.