Le Premier ministre français, qui s'est engouffré, tête baissée, dans la brèche ouverte par son ministre de l'Intérieur à propos de la polémique sur la viande Halal, a choqué les communautés juive et musulmane. Faut-il supprimer l'abattage d'animaux selon les rites juif et musulman? Le Premier ministre français n'y va pas par quatre chemins. Il le suggère. Les religions juive et musulmane sont-elles à ce point archaïques pour leur conseiller de repenser certains de leurs fondements? Quel est l'avis de l'ex-ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité de Jacques Chirac? «Je pense que les religions devraient réfléchir au maintien de traditions qui n'ont plus grand-chose à voir avec l'état aujourd'hui de la science, l'état de la technologie, les problèmes de santé». Poursuivant sa vision sur ce type de rituel, il souligne: «On est dans un pays moderne, il y a des traditions qui sont des traditions ancestrales, qui ne correspondent plus à grand-chose alors qu'elles correspondaient dans le passé à des problèmes d'hygiène». Par qui François Fillon a-t-il été conseillé pour se livrer à de telles réflexions? Même le Mufti (religieux qui interprète la loi musulmane) le plus téméraire n'aurait pas osé s'aventurer sur ce terrain. Ses propos sont-ils annonciateurs de la fin de la viande Halal et Casher et de la célébration de l'une des plus grandes traditions de la religion musulmane: l'Aïd el Kébir (sacrifice du mouton qui est la plus importante fête chez les musulmans)?. On pensait le pic de provocation atteint suite aux propos tenus par Claude Guéant. Le patron de l'Exécutif français a fait nettement mieux... Il a choqué. Le Cfcm, «ne comprend pas et n'accepte pas que l'Islam et les musulmans servent de boucs émissaires dans cette campagne» a déclaré, mardi, le président du Conseil français du culte musulman, Mohammed Moussaoui. Dans un communiqué, l'Union des étudiants juifs de France l'Uejf s'est dite «outrée par les considérations dénigrantes que le Premier ministre porte sur les traditions religieuses relatives à l'alimentation...» La défaite annoncée du champion de la droite française fait dire n'importe quoi à ses plus proches collaborateurs. Des voix s'indignent dans son propre camp. La secrétaire nationale de l'UMP chargée du développement urbain, a confié avoir été «attristée de voir s'étaler des jugements négatifs et dévalorisants sur les musulmans de France... Je ne cautionne pas les propos qui assimilent l'abattage de la viande Halal à des pratiques ancestrales». Puis elle s'interroge: «Au nom de quoi parle-t-on de pratiques ancestrales? Où est le respect de la foi, des pratiques et des individus?» La ligne rouge a-t-elle été franchie? «De tels propos n'ont pas de place dans le débat...Ce genre de provocations doit s'arrêter. Il faut mettre fin aux discours de préjugés et de stigmatisation» a conclu Salima Saa, figure montante du parti de la majorité présidentielle. Le Premier ministre français, réputé pourtant pour sa discrétion et sa prudence dans ses déclarations, a sans doute commis une erreur qui sera prise en compte par les électeurs le moment venu. La sortie médiatique du ministre français de l'Intérieur, auquel il a emboîté le pas, qui a fait de la communauté musulmane sa cible de choix pour siphonner les voix de l'extrême droite n'est pour l'instant, d'aucun secours à l'actuel locataire de l'Elysée. Le chef de l'Etat français, qui a décidé de briguer un second mandat, fait du sur- place dans les sondages lorsqu'il ne recule pas. Viande Halal, débat sur l'identité nationale et la laïcité, durcissement des lois contre les candidats à l'immigration, refus d'accorder le droit de vote aux étrangers et expulsions massives... Toute la panoplie a été déployée pour séduire les électeurs du Front national. La stratégie mise en oeuvre pour refaire son retard sur le candidat socialiste qui caracole en tête des enquêtes d'opinion à moins de 50 jours du premier tour de l'élection présidentielle, ne donne pas l'impression de vouloir fonctionner. Nicolas Sarkozy risque de sortir par la petite porte...