Le combat et le militantisme féministes indépendants ont connu un recul ces dernières années en Algérie, a analysé un sociologue, imputant ce constat à l'élitisme dans lequel a versé le mouvement féministe, outre les cas de réussite enregistrées par la femme sur les scènes sociale, économique et politique. Toutefois, une autre militante des droits de la femme a souligné que les avancées réalisées par la femme ne doivent «aucunement » lui faire perdre de vue le travail qui lui reste à faire. «Le recul du combat féministe en Algérie a pour principale cause l'élitisme pour lequel a opté le mouvement féministe », a estimé le professeur Nacer Djabi, enseignant de sociologie politique à l'université de Bouzaréah (Alger), dans une déclaration à la veille de la célébration de la journée mondiale de la femme. En raison de cet élitisme pour lequel a opté le mouvement féministe, qui s'exprimait auparavant dans des espaces traditionnels comme les universités, les manifestations de masses et dans d'autres fora, des pans entiers de la société ont été «oubliés », non seulement dans l'Algérie profonde, mais également en milieu citadin, selon l'analyse de M. Djabi. « Les mutations qu'a connues la société algérienne dans les années 90, avec notamment le passage du parti unique au multipartisme, n'ont pas été prises en ligne de compte par le mouvement féministe », a estimé le sociologue. Soulignant également que ce mouvement a été « incapable de se reproduire car manquant d'enracinement », rappelant dans le même contexte la «culture conservatrice » caractérisant la société. Malgré l'avènement du multipartisme et le renforcement du mouvement associatif l'évolution de la tendance «revendicative » a été limitée par cette culture. En effet, le chemin de l'émancipation de la femme a toujours été parsemé d'embûches. « Les idées conservatrices en vigueur au lendemain des mutations vécues par la société n'ont pas toujours été favorables à des concepts tels le travail de la femme, la pratique sportive féminine et la place que doit occuper la femme dans les lieux publics », a ajouté l'universitaire. Pour M. Djabi, les idées conservatrices n'étaient pas l'apanage des partis islamistes seulement mais étaient également perceptibles chez les partis « nationalistes » ou « démocrates ». Le fait de privilégier le travail partisan au détriment du travail effectué à l'échelle des associations est, selon le sociologue, un autre facteur susceptible d'expliquer le déclin du mouvement féministe en Algérie. « En entrant dans le +jeu politique+ de l'époque, le mouvement féministe a incontestablement perdu de sa verve », a-t-il noté. S'en tenant à son expérience au sein de l'université, le Professeur a fait état de l'inexistence d'associations défendant la cause féminine dans les universités. reconnaissant que des avancées « indéniables » ont été réalisées par la femme, particulièrement dans les domaines de l'enseignement et de l'emploi, M. Djabi a toutefois noté la persistance de « lacunes » comme la prédominance du travail de la femme dans l'informel, outre le fait de ne pas bénéficier de couverture sociale.