L'essentiel des chantiers ouverts est encore loin d'être mené à son terme. Près de cinq mois après sa nomination à la tête du gouvernement, Ahmed Ouyahia prend aujourd'hui langue avec la presse. Ça sera donc l'occasion de faire le bilan d'une gouvernance entamée dans un contexte de catastrophes naturelles, sans précédent dans l'histoire de l'Algérie indépendante. Depuis, le Chef du gouvernement a ouvert plusieurs dossiers, tant au plan politique que socioéconomique. Ainsi, les archs ont été conviés au dialogue dès l'installation de la nouvelle équipe. Sur le front social, Ouyahia a montré une grande disponibilité à lâcher du lest. Le monde du travail a ainsi bénéficié d'une série d'augmentations salariales dans le cadre de la bipartite et de la tripartite qui s'est tenue récemment. Mais le gros morceau est manifestement la reconstruction des régions touchées par le séisme du 21 mai dernier. Sur ce plan, le Chef du gouvernement a voulu faire grand et des promesses fermes ont été données aux sinistrés de Boumerdès et d'Alger pour un relogement dans des délais records. Ce sont donc de tous ces aspects qu'Ahmed Ouyahia traitera dans la conférence de presse d'aujourd'hui. Cela dit, l'essentiel des chantiers ouverts est encore loin d'être mené à son terme, à commencer par le dialogue avec les archs qui, de report en report, semble sérieusement compromis. Sur ce chapitre, le Chef du gouvernement ne peut se prévaloir d'un bilan positif au sens que la question du printemps noir demeure pendante, en partie à cause d'une approche, disons-le, quelque peu populiste dont l'une des conséquences directes a été le fractionnement du mouvement citoyen de Kabylie pour des considérations partisanes. Le semi-échec ou l'échec total (c'est selon) n'est certes pas le fait exclusif du gouvernement, mais de nombreux observateurs estiment que la démarche d'Ouyahia aurait gagné à être plus explicite au sens que beaucoup de temps a été gaspillé, ce qui a donné l'occasion aux détracteurs du dialogue pouvoir-archs de brouiller la donne. En ce qui concerne l'économie, rien de bien sérieux n' a été entrepris par Ouyahia, sachant le caractère antisocial des réformes, impossible à mener à quelques mois d'une échéance électorale majeure. C'est justement autour de ce rendez-vous politique de première importance que tourne l'action de l'Exécutif. Toutes les initiatives sociales prises par Ouyahia, l'ont été en prévision de la réélection du président de la République qui, de son côté, met les bouchées doubles pour réussir à convaincre l'électorat. La réussite de la bipartite et de la tripartite entre justement dans ce cadre. Mais le retour d'Ouyahia à la tête du gouvernement a également été synonyme du harcèlement de la presse privée qui a vécu, comme en 1998, une suspension qui aura duré un mois pour certains titres, alors que d'autres sont toujours absents des étals. La gouvernance d'Ouyahia, c'est aussi le scandale qui entache présentement l'administration et la justice dans l'affaire du FLN. Un précédent qui pose avec acuité la question des réformes de la justice et des structures de l'Etat. Au-delà des aspects politico-juridiques, Ouyahia donne l'impression de ne pas y être mêlé alors que ce sont ses propres ministres qui font l'essentiel de l'agitation anti-Benflis. Un état de fait qui l'arrange puisque son premier adversaire politique se trouve être le secrétaire général du FLN. Le N°1 du RND, qui cache mal ses prétentions présidentielles pour 2009, a quelque part intérêt dans l'enterrement politique de son principal rival. En fait, engagé dans une option de soutien à Bouteflika pour un second mandat, Ahmed Ouyahia prépare sa propre candidature à la magistrature suprême. Soutenu par les médias lourds, le chef du gouvernement aura aujourd'hui l'occasion de séduire un électorat potentiel pour le chef de l'Etat, mais également pour sa formation politique et pour lui-même.