«Puisque le président Khatami n'a pu se rendre en Algérie, j'ai pris l'initiative de me rendre dans ce grand pays qu'est l'Iran.» C'est ce qu'a déclaré le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, dans une déclaration à la presse avant son entretien en tête-à-tête avec le président iranien hodjatoleslam Mohammad Khatami. Un aveu qui en dit long sur les relations qu'entretiennent paradoxalement les deux pays et les deux chefs d'Etat. D'ailleurs, à son arrivée samedi à Téhéran, le chef de l'Etat algérien n'a été reçu que par Mehrabad Djaâfar Tofiki, ministre des Sciences, des Recherches technologiques et de la Culture, et Mohammed Sadr, vice-ministre des Affaires étrangères et plusieurs ambassadeurs arabes et africains accrédités à Téhéran. En effet, ce n'est qu'hier que le président de la République a été reçu officiellement par le président iranien, Mohammad Khatami. Dans une déclaration commune, les deux chefs d'Etat ont affirmé avoir des positions communes en ce qui concerne la question palestinienne et irakienne. «L'Iran et la nation algérienne, avec leurs fondements révolutionnaires, combattent le terrorisme, la violence et la guerre et défendent le développement, la sécurité, la démocratie, l'indépendance et le progrès en même temps que leurs intérêts nationaux», a déclaré le président Khatami. «Le problème palestinien ne sera résolu que lorsque la nation palestinienne disposera de ses pleins droits», a renchéri Bouteflika. Cette visite, la première d'un président algérien depuis plus de 20 ans, la dernière remonte à celle effectuée par Chadli Bendjedid en 1982, intervient dans un contexte particulier pour les deux chefs d'Etat. De son côté, Khatami a déclaré: «Les politiques que nous poursuivons, le président Bouteflika et moi, sont très proches». En effet, aussi bien Bouteflika que Khatami sont soumis à une fronde populaire qui risque de les destituer de leur poste. Si, en Iran, les manifestations estudiantines de juillet 1999 sont encore en tête, la grogne sociale en Algérie n'est pas près de connaître son épilogue. En outre, les deux chefs d'Etat ont un autre point commun. La veille, en effet, le Majlis, dominé par les conservateurs, avait adopté une loi destinée à bâillonner la presse, principal espace de liberté pour les réformateurs dont se réclame le président Khatami. Une décision qu'il a cautionnée sous la pression de l'ayatollah Khamenei, le «guide suprême» de la République, investi de droits «divins», qui l'avait soumis à un chantage en exigeant qu'il dénonce le mouvement estudiantin, afin qu'il se discrédite à leurs yeux, et garder ainsi sa place. La même manoeuvre est en train d'être exécutées par Bouteflika qui a tenté de bâillonner la presse indépendante pour avoir dénoncé des malversations au sein du pouvoir sous le prétexte fallacieux de commercialité. En outre, les deux chefs d'Etat comptent beaucoup plus sur un électorat islamiste pour se faire reconduire dans la gestion des affaires de l'Etat. La comparaison ne s'arrête pas là. A l'opposé du roi du Maroc, Mohamed VI, qui tente de réhabiliter les droits de la femme marocaine, Mohammad Khatami, dont sa compatriote Shirin Ebadi vient de décrocher le prix Nobel de la paix, n'a pas trouvé mieux que de déclarer que «le Nobel de la paix en soi n'était pas très important». «Ceux qui comptent, ce sont les prix scientifiques et littéraires», a-t-il ajouté tout en se disant «heureux» de voir récompenser une compatriote. «J'espère que Mme Ebadi, qui vient d'une famille religieuse et a dit elle-même son attachement à l'islam, fera attention aux intérêts du monde islamique et de l'Iran et ne permettra pas qu'on exploite son succès», a-t-il mis en garde. Comme quoi, la femme restera éternellement dominée comme le stipule le code de la famille version algérienne.