Une succession d'événements a marqué ces derniers jours et, singulièrement, ce week-end, la région du Sahel où nombre de désordres affectent ou menacent d'affecter la région dans le proche avenir. La proclamation, hier, de «l'indépendance» de l'Azawad par le Mnla (Mouvement national de libération de l'Azawad (nord du Mali) précédée (jeudi) par l'enlèvement du consul d'Algérie à Gao et de six diplomates algériens par des islamistes, achèvent, pour ainsi dire, le travail commencé par le putsch militaire fomenté à Bamako, le 22 mars dernier. Reste à déterminer le pourquoi et, sans doute le timing, de cette avalanche de faits qui remettent en cause l'intégrité territoriale de la région sahélienne. Il est patent toutefois que la précipitation des événements au Mali n'est guère innocente encore que cet aboutissement était en fait prévisible dans le contexte de la chute du régime d'El Gueddafi et du retour au nord du Mali de Touareg non seulement lourdement armés mais, surtout, opérationnels. C'est ce qui a fait la différence face à une faible armée malienne sous-équipée et sans réelle envergure militaire. Le coup d'Etat des capitaines à Bamako aura en fait été le détonateur à ce qui, depuis une quinzaine de jours, arrive dans une région minée depuis des années par les rébellions touarègues (au Mali et au Niger) que par le repositionnement des terroristes d'Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi) et de criminels de tout bord qui se sont regroupés au nord du Mali. Cette conjonction des faits avait peu de chance de se produire si, quelque part, il n'y eut volonté de reconfigurer la région dont l'importance géostratégique n'est point à souligner. En fait, nombre d'événements de ces dernières semaines ne trouvent pas leur explication logique et cohérente, dont le plus énigmatique reste encore le coup d'Etat fomenté à trois semaines de la fin du mandat du président malien, Amadou Toumani Touré, qui ne se représente pas à un nouveau mandat. On évince un président qui s'accroche, pas celui dont les jours au pouvoir sont comptés. Les réponses données par le chef des putschistes, le capitaine Amadou Sanogo, restent piteuses et peu convaincantes. Le Mouvement national de libération de l'Azawad (Mnla), fondé à la fin de 2011, au lendemain de la chute d'El Gueddafi - nonobstant la faiblesse de l'armée malienne - ne pouvait sérieusement en trois jours faire main basse sur un territoire de près d'un million de km². Ansar Eddine, groupuscule islamiste, mettant pour sa part, dos à dos Bamako et le Mnla, dit combattre pour «l'Islam» ni pour l'indépendance, ni pour la révolution. Et pour cause! Les exactions commises à Tombouctou tombée sous sa coupe et celle des terroristes d'Aqmi sont horribles. Les viols de femmes, les kidnappings, les assassinats sont-ils aussi commis au nom de l'Islam? Est-ce cela «l'Islam»? D'aucuns peuvent encore affirmer qu'El Gueddafi, même après sa mort (il arma notamment les Touareg), continue à semer mort, division et confusion. Cela n'explique pas tout, si ce n'est l'origine des armes détenues par les rebelles touareg et les islamistes d'Ansar Eddine et d'Aqmi qui se sont largement servis dans les arsenaux de l'ex-guide libyen. Par ailleurs, la multiplication des va-et-vient de responsables politiques et militaires américains, qataris, saoudiens, ces derniers jours à Alger, ajoutent au trouble: sont-ils venus pour faire pression (sur l'Algérie), dans quel sens? Pour aider? Pour mettre en garde? En fait, l'avenir de l'Afrique risque de se jouer dans ce désert stérile du Nord-Mali et subséquemment en Libye où la Cyrénaïque a déjà proclamé son «autonomie». Par son intervention militaire en Libye, l'Occident a sans doute rompu la vanne et ouvert la voie au danger de dépeçage de l'Afrique en mettant à mal le principe sur lequel est fondée la stabilité du Continent noir: l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Le précédent soudanais est aussi là pour dire combien l'Afrique est plus que jamais exposée au volcan sahélien prêt à exploser avec tous les dégâts que cela pourrait induire. Qui veut installer le chaos au Sahel et, partant, en Afrique?