Le président déchu, Amadou Toumani Touré, s'est réfugié avec sa famille, jeudi, au Sénégal Après la libération des personnalités arrêtées en début de semaine dernière et le départ de l'ex-président au Sénégal, la situation semble s'éclaircir au Mali bien que le statu quo subsiste au nord du pays. Le nouveau Premier ministre de transition du Mali, Cheick Modibo Diarra, consultait toujours hier pour former son cabinet dans un climat politique décrispé par la libération la veille de leaders arrêtés, suivie du départ en exil de l'ex-président Amadou Toumani Touré. «ATT», 63 ans, et sa famille ont trouvé refuge au Sénégal. Ils ont été transportés de Bamako à Dakar jeudi soir par l'avion présidentiel sénégalais, en compagnie du ministre sénégalais des Affaires étrangères Alioune Badara Cissé, selon des sources diplomatiques et militaire au Mali et la présidence sénégalaise. Personne ne sait encore s'il s'agit d'un séjour temporaire ou définitif. Le départ d'ATT a été précédé par la libération des responsables civils et militaires - ses actuels ou anciens proches, pour la plupart - arrêtés en début de semaine sur instructions des militaires qui l'avaient renversé le 22 mars, à cinq semaines d'une élection présidentielle. Parmi les détenus figuraient l'ex-Premier ministre Modibo Sidibé, l'ex-ministre Soumaïla Cissé, qui s'était blessé en tentant de fuir son domicile lorsque des hommes armés étaient venus l'arrêter le 17 avril. Soumaïla Cissé n'a appris sa libération qu'hier matin sur un lit d'hôpital à Bamako et doit être évacué prochainement vers la France, a dit son entourage. Jeudi soir, le patron de la gendarmerie, le colonel Diamou Keïta, a expliqué que les responsables ont été relâchés à la fin du délai légal de garde à vue mais restaient «à la disposition des autorités compétentes pour les besoins de l'enquête» en cours, et sont donc susceptibles de poursuites judiciaires. Si le départ d'ATT du Mali et ces libérations ont permis de faire baisser d'un cran la tension, le climat politique n'est pas complètement apaisé pour autant. Le Mali est engagé officiellement dans une transition depuis que les putschistes ont accepté le 6 avril de rétablir l'ordre constitutionnel suite à une médiation de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Depuis lors, ATT a démissionné le 8 avril et l'ex-président de l'Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, 70 ans, a été investi chef de l'Etat par intérim le 12 avril. Il a désigné le 17 avril l'astrophysicien Cheick Modibo Diarra, 60 ans, comme Premier ministre. Mais dans la classe politique et les milieux diplomatiques, beaucoup soupçonnent les putschistes, dirigés par le capitaine Amadou Haya Sanogo, de ne pas vouloir laisser la gestion du pays aux autorités de transition. «Quand ils sont arrivés, les militaires ont expliqué qu'ils étaient venus pour défendre le Nord du pays, aux mains des groupes armés. Aujourd'hui, tout porte à croire que ce n'est pas le Nord qui les intéresse, mais leur fauteuil», a déclaré El Hadj Baba Haïdara, député de Tombouctou (nord-ouest). Tombouctou fait partie, avec Kidal et Gao (nord-est), des trois régions administratives du Nord tombées fin mars-début avril sous le contrôle de rebelles touareg, et de groupes islamistes dont Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi) et divers mouvements armés qui menaient depuis janvier une offensive dans cette vaste région en majorité désertique. En prenant le pouvoir, les soldats avaient accusé ATT d'incurie dans la gestion de la crise dans le Nord. Les actions post-accord des putschistes ne rendent pas la tâche aisée aux président et Premier ministre de transition de ce pays de plus de 15 millions d'habitants qualifié hier par l'éditorialiste malien Adam Thiam de «cocktail Malitov», avec « l'Aqmistan à ciel ouvert qu'est devenu le Nord-Mali». Personne ne savait hier quand le gouvernement serait annoncé. «Nous allons profiter de ce week-end pour pouvoir nous pencher sur cela», avait dit M.Diarra mercredi.