Nabil Karoui optimiste quant à l'issue du procès Hasard du calendrier, la date du prononcé du jugement dans l'affaire en question coïncide avec la Journée mondiale de la liberté de presse. Le procès du patron de la chaîne privée «Nessma TV», Nabil Karoui, qui a déchaîné les passions à la suite de la diffusion en octobre dernier du film d'animation franco-iranien «Persepolis», a eu lieu avant-hier devant le tribunal de première instance de Tunis. Au terme de près de six heures de plaidoiries, la Chambre criminelle du Tribunal de première instance de Tunis a décidé de la reporter au 3 mai pour délibération et proclamation du verdict. Nabil Karoui, directeur général de la chaîne Nessma TV, est accusé de «porter atteinte à l'ordre public et aux symboles religieux», suite à la diffusion du film d'animation franco-iranien «Persepolis», le 7 octobre 2011, jugé comme étant blasphématoire à la foi religieuse. La date du prononcé du jugement dans l'affaire en question coïncide avec la Journée mondiale de la liberté de presse. Les avocats de la partie demanderesse ont appelé le juge statuant en l'affaire, Faouzi Jebali, à infliger la peine capitale à l'encontre du directeur de la chaîne, conformément aux dispositions de l'art.72 du Code pénal qui prévoit qu'il est «puni de mort, l'auteur de l'attentat ayant pour but de changer la forme du gouvernement, d'inciter les gens à s'armer les uns contre les autres ou à provoquer le désordre, le meurtre ou le pillage sur le territoire tunisien». C'est la troisième audience de cette affaire. Organisations non gouvernementales locales et internationales, des médias étrangers, personnalités politiques... étaient présents lors du procès. Les avocats de la partie civile ont appelé à incriminer «toute atteinte à la foi religieuse en Tunisie, le pays étant un pays musulman». Les avocats de la défense ont plaidé en faveur de la requalification de l'affaire en vertu de la nouvelle loi sur la presse. Pour la défense, les conditions liées à la condamnation du directeur de la chaîne font défaut. En effet, «Persepolis» est une production «autorisée et non interdite». D'ailleurs, le film a obtenu le visa légal délivré, depuis novembre 2009, par la commission compétente, relevant du ministère de la Culture et composée de plusieurs parties dont notamment le représentant du ministère des affaires religieuses. De l'avis de l'ensemble des avocats de la défense, il s'agit là d'un procès «éminemment politique». C'est un procès d'opinion, chose qui est contraire aux objectifs de la Révolution dont notamment l'instauration d'une justice indépendante. Pour rappel, Nessma TV a diffusé un film d'animation franco-iranien «Persepolis» qui n'est pas passé inaperçu surtout que la diffusion de ce film doublé en dialecte tunisien a été suivie d'un débat sur l'intégrisme. Depuis la foudre des salafistes s'est déchaînée contre cette jeunes chaîne de télévision. Il s'agit d'un film qui raconte comment la Révolution iranienne a dérapé du jour au lendemain vers une dictature religieuse et, comble de l'histoire, c'est que le long métrage a été diffusé peu de temps avant les élections de l'Assemblée nationale constituante (Anc), ce qui donne au procès une connotation plus politique que religieuse. C'est en fait les projets de société, l'un progressiste et l'autre obscurantiste, qui se livrent une bataille à travers ce procès à l'encontre du directeur de Nesma TV. Lors du procès, une avocate islamiste a réclamé la peine extrême pour Nabil Karoui. Selon les experts, Nessma et son directeur Nabil Karoui pourraient, dans le pire des cas, écoper d'une amende, en vertu du décret loi n°115 du 2 novembre 2011 portant nouveau Code de la presse. Pour les Tunisiens, de nombreuses questions se posent alors sur le sort de la chaîne et de la liberté d'expression dans leurs pays... La réponse sera connue dans 12 jours! Enfin, l'Unesco a décidé de célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse cette année en Tunisie. Réactions Maître Khaled Bourayou, avocat algérien. «C'est un non-procès! Dans les délits de presse, l'intention coupable est un élément important. Il n'y a pas d'intention coupable dès lors que le film a eu un visa cinématographique qui permet d'être diffusé en toute légalité. S'il n'y avait pas cette décision, on aurait pu considérer qu'il y avait une mauvaise intention, mais dès qu'il y a l'avis de la commission et qu'il y a celui du ministère de la Culture, il peut être exploité en toute légalité. Nadjib Chabi président de la commission politique du parti populaire, un parti né récemment suite à la coalition de plusieurs partis démocrates. «L'affaire Nessma TV n'aurait pas dû avoir lieu. Aujourd'hui, il est temps de clore ce dossier et l'oublier définitivement. Le message qu'on envoie au monde entier ne donne pas une bonne image de la Tunisie. Notre pays doit conserver la Révolution du jasmin. Ce genre de dérapage menace les libertés en Tunisie.»