Les citoyens vaquent à leurs occupations sans se soucier des affiches La majorité des 612 concurrents sont des fonctionnaires et des enseignants. Jamais une élection n'a été aussi indécise. A 10 jours de la clôture de la campagne, aucune formation ne peut pronostiquer sur l'issue. Fini le temps où les partis aux commandes savaient à l'avance combien de sièges ils pouvaient acquérir. La raison est multiple. La participation pose un réel problème même si l'administration fait des mains et des pieds pour convaincre les citoyens à se présenter le 10 mai aux urnes. L'abstention suscite débat. Pour certains initiés et professionnels du politique, la hausse des prix de produits à large consommation est l'oeuvre de certains cercles occultes et «lobbies» qui tentent de décourager les électeurs. La redondance du sujet dans les interviews accordées aux citoyens par les deux nouvelles chaînes de télévision privées s'inscrit dans cette optique. L'autre élément qui favorise l'abstention en plus des appels d'un parti largement ancré en Kabylie, concerne la composante humaine des listes en course. Un simple aperçu sur les 51 listes en course pour les 9 sièges de la députation dans la wilaya de Bouira permet de tirer plusieurs conclusions. Même si à la télévision, de nom-breux intervenants accusent les riches «shab chkara» de participer en force à cette course, la réalité des listes fait ressortir un avis tout autre. La majorité des 612 concurrents sont des fonctionnaires et des enseignants. Ces deux fonctions prônent 5 listes de partis connus pour leur inertie tout au long d'un mandat et qui s'empressent de se manifester lors des diverses consultations électorales. Le Front du changement, le rassemblement algérien, le Front national libre, le Front national pour la liberté et la citoyenneté, le parti El Moustakbal, le Front algérien nouveau... ont choisi de mettre en tête de leurs listes des personnels de l'éducation ou des fonctionnaires de l'administration publique. Sept investisseurs privés mènent des listes. Les fonctions libérales, médecin avec 3 candidats, avocat, 3 têtes de liste, sont aussi présentes en force. La lecture des listes informe aussi sur cette tendance chez de nombreux candidats à «compléter» les listes par des universitaires, des étudiants, des chômeurs mais et surtout par de jeunes diplômés employés dans le cadre du préemploi. Des listes et des interrogations Ces jeunes cadres occupent souvent les dernières places de la liste. Les retraités figurent en quantité et certains partis ont tout simplement misé sur cette catégorie. C'est le cas du RND dont les deux premiers candidats sont à la retraite, c'est aussi le cas du MPA. Le RNR, le Pnsd ont opté pour le même classement de leurs postulants. Deux listes suscitent des interrogations: le directeur de la CNAS de Bouira, chef de file d'une liste indépendante est secondé par 4 autres fonctionnaires de ce même organisme. C'est le cas aussi pour la liste d'une vétérinaire des services agricoles qui comprend plusieurs cadres de cette direction. Le MJD compte 4 fonctionnaires de l'Enad. Le FAN de Ahmed Benabdeslam a misé sur un fonctionnaire des P et T secondé dans l'ordre par 4 chômeurs. Les partis traditionnels comme le FLN jouent la carte des élus avec un P/APC, un P/APW et l'ex-président de la Chambre nationale d'agriculture en haut de l'affiche. Si ce parti a relégué la femme aux 4 dernières places, le RND de son côté a axé son choix sur les fonctionnaires de l'Office de lutte contre l'analphabétisation avec 3 noms. «El Fajr el Djadid» mise sur un ex-ministre FLN pour mener une liste qui comprend 3 fonctionnaires et 1 dentiste. «El Infitah» quant à lui a préféré un adjoint au maire pour mener une liste où figurent des sans-emploi et des enseignants. La liste commune du MSP, d'En Nahdha et El Islah a préféré un fonctionnaire devant des enseignants d'arabe et d' éducation islamique au nombre de 3 et des avocats. Le parti de Redha Malek lui a placé sa confiance dans un député élu sur une liste RCD mais qui a quitté sa formation de prédilection, consécutif à l'expiration de son mandat. Khaled Bounedjma mise sur un riche investisseur qui s'initie pour la première fois à la politique. Ce regard exhaustif sur ces listes prouve que la députation reste une ambition ouverte à tout le monde. La majorité ignorant les prérogatives de l'élu, les meetings dans leurs contenus, se limitent à des promesses populistes. En accusant les indépendants d'être «s'hab chkara» certains responsables de partis tentent de discréditer leurs adversaires pour tenter des les éloigner de la course. «Un nanti peut servir les citoyens de façon concrète. Les opportunistes sont ceux qui achètent l'accréditation auprès des partis pour éviter les 3600 parrainages», nous affirmera un candidat. L'autre grande conclusion au 12e jour de la campagne concerne la tendance. A la mi-parcours, de nombreuses listes ont déserté leurs permanences et ont simplement annulé leurs rassemblements populaires pour s'adonner à un travail de proximité. C'est ce fait qui explique la venue, pour la semaine qui débute, de plus de 11 chefs de partis pour animer des regroupements. Des salles sinistrement vides En attendant et pour essayer d'attirer l'attention des citoyens, ils sont nombreux à recourir à des méthodes diverses. L'affichage anarchique, l'envoi de jeunes filles dans les domiciles pour distribuer des prospectus, la diffusion des chants à longueur de journée devant les permanences, les tournées en cortège dans les villes, etc.. A ce jeu la liste PNJS reste la plus en vue. Même les partis qui ont la faveur des pronostics mais que la base partisane boude, partis ancrés au pouvoir, ont marqué une nette régression dans leurs activités. Hormis les meetings animés par Belkhadem et Ouyahia pour les partis de l'Alliance, aucun grand rassemblement n'est à ce jour annoncé. Les régions jusque là acquises à ces deux partis ne connaissent pas un engouement ou une activité intense. Là aussi, la proximité et le bouche-à-oreille ont remplacé les meetings. Alors que tout le monde attendait les ténors de la politique, les indépendants et après 12 jours après, marquent les esprits et se positionnent. Une liste conduite par un bienfaiteur, investisseur privé, fait le plein aux quatre coins de la wilaya. Il s'agit de la liste conduite par Ahmed Yahiaoui. Parce qu'elle est composée de candidats issus des quatre coins de la wilaya, des candidats connus pour leur intégrité, ces indépendants marquent les esprits là où ils passent. Le chef de file a dans tous les meetings qu'il a animés rappelé qu'il ne postulait pas pour le salaire, pour l'immunité ou pour la notoriété mais par conviction et que, pour changer les choses, il faut investir le terrain. La même remarque peut être faite pour la liste conduite par Saoudi, une avocate. Mme Yalaoui Dalila, épouse Saoudi, veut rempiler pour un autre mandat et continuer un travail entamé lors du premier mandat au palais Zighoud- Youcef. Le candidat d'un parti, le FND, a les faveurs de sa région. Rahal Abdelkrim, un élément actif du mouvement associatif, mène une campagne correcte et arrive à convaincre. Il est le premier à avoir choisi la daïra de Haizer, région frondeuse, pour expliquer son programme. Son passage a été une réussite selon les participants. Même si aucun pronostic n'est possible sachant que les 30% réservés à la femme perturbent les calculs, 5 ou 6 listes sont certaines de franchir le cap des 5% exigés par la réglementation pour rentrer dans les calculs du siège homme et du siège femme. Les plus téméraires ont encore 10 jours pour convaincre la population.