Il se dilue dans les serres du coeur, lequel, essoré par les souvenirs indélébiles, accouche des strophes et des mélodies à vous fondre l'âme. Ce n'est pas parce qu'il chante l'amour plus que les autres thèmes que Farid Ferragui n'est pas un poète qui a éludé les autres thèmes de son répertoire. Farid Ferragui est certes et avant tout le chanteur de l'amour mais ce n'est pas tout. Farid Ferragui, depuis qu'il a mis le pied à l'étrier de l'art, n'a pas cessé de commenter, voire d'anticiper les événements que vit son pays, sa société et sa culture. C'est donc à ce Farid Ferragui, d'une discrétion sans égale, qu'il sera rendu hommage les 4 et 5 mai prochain dans la ville de Tizi Ouzou. Un hommage, qui ne sera pas l'oeuvre des autorités car Farid Ferragui est une chanteur libre qui ne fait pas de concession sur ses principes pour bénéficier d'un quelconque avantage, fût-il un simple hommage de circonstance. Ce sont les amis de cet artiste et ils sont fort nombreux qui ont eu l'idée judicieuse de célébrer ensemble le trentième anniversaire du début de carrière de l'enfant prodige de Taka de Tizi Ghennif. Pour parler de cette manifestation artistique, les organisateurs ont organisé un point de presse jeudi dernier à l'hôtel Lala Khedidja. Ils seront nombreux les fans et les amis de Farid Ferragui qui se joindront à l'appel du coeur du collectif des amis de l'artiste. Plusieurs célébrités de la chanson algérienne viendront chanter pour Farid à l'occasion du gala qui clôturera la manifestation en question. Farid Ferragui sera également là pour se raconter et se livrer à coeur ouvert et dire combien ce chemin a été long et lent. Il racontera ses premiers pas, ses heures de gloire et ses ères prospères qui lui ont permis de s'exprimer mais aussi de répercuter ce qu'une bonne partie de ses concitoyens a vécu et ressenti des années durant. 1982-2012: Ce sont trente ans de bonheur mais pas seulement car ceux qui connaissent Farid Ferragui savent qu'il a eu une vie houleuse mais l'artiste a su, à chaque instant, relever le défi avec détermination et hardiesse. C'est un homme qui était d'abord destiné à enseigner les petits enfants puisque ses premiers pas l'avaient conduit à l'enseignement. Puis, quand il s'envole vers la France, au début des années quatre-vingt, il est séduit quelque temps par le métier de journaliste. Il fait l'école de journalisme mais il n'exerce pas car il opte en fin de compte et définitivement pour son premier amour: la chanson. Déjà adolescent, il est attiré par l'un des plus grands chanteurs de l'époque, Farid El Atrache. Ce dernier était indétrônable. Farid Ferragui est vite bercé par la voix mélancolique du grand chanteur du pays des Pharaons. La tristesse que dégagent les chansons de Farid El Atrache, loin d'effrayer notre Farid, l'avaient au contraire impressionné? Farid Ferragui, tout jeune qu'il était, avait trouvé de la beauté dans cette tristesse. Car qui a dit que la tristesse, une fois acceptée et assumée, ne pouvait pas être une source de délivrance. Farid Ferragui n'imite pas Farid El Atrache. Rien que sur le plan musical, Farid Ferragui adopte un style beaucoup plus sobre avec juste un luth et une percussion. On ne retrouve pas, chez lui, le grand orchestre gigantesque de Farid El Atrache. Aussi Farid Ferragui épouse l'air triste des mélodies ainsi que la façon d'interpréter. Mais il réussit le défi d'insuffler une âme somme toute kabyle à ses propres chansons qu'il algérianise en quelque sorte. Farid Ferragui est donc loin d'être une pâle copie de Farid El Atrache. Aujourd'hui, trente ans après, il est devenu l'un des plus grands chanteurs algériens d'expression kabyle. Sa belle voix y est pour beaucoup. Sa façon d'interpréter aussi. Mais également tout le reste: les textes, les musiques, le fait d'être prolifique... Farid Ferragui n'a jamais repris les musiques des autres artistes, fût-il Farid El Atrache. Il a passé des nuits et des nuits à la belle étoile, en bord de mer ou sur la terrasse de sa maison, à triturer ses méninges, à ressasser ses souvenirs, à s'autopsychanalyser afin de pouvoir dire ce qui semble relever de l'indicible. Farid Ferragui choisit ses mots dans la langue kabyle qu'il a tétée comme tout villageois pour se livrer avec talent. De A yul igbghan tulas jusqu'au Fleuve de la vie, que de chemin parcouru, que de larmes versées par ses fans en l'écoutant, que de spectacles animés dans tous les coins de la Kabylie et en France! Farid Ferragui a chanté l'amour, l'Algérie, la Kabylie, la mère, le père, le fils, la fille, la femme, la tolérance, l'islam authentique, la paix, Dieu, la mort, le paradis et l'enfer, le soleil, la mer et ses vagues, la nuit et ses étoiles, la fête, les funérailles, le temps, le destin... Il a tout effleuré avec sa voix certes mélancolique mais suave. Avec son luth aussi prégnant que sa voix. Il a accompagné les âmes sensibles dans leur solitude. Il a partagé le mal d'aimer, la douleur d'être quitté et le bonheur de se délivrer de ses illusions. Farid Ferragui auquel sera rendu hommage à Tizi Ouzou jeudi prochain n'est pas seulement un grand artiste. C'est aussi un grand homme. Ceux qui ont eu la chance de le connaître personnellement savent de quoi il retourne. C'est un chanteur dont l'humanisme n'a jamais été démenti. Les actions humanitaires qu'il a menées n'ont certes pas été médiatisées mais elles ont apporté du baume dans les coeurs et permis à l'artiste de joindre le geste à la métaphore. Sa voix reviendra à l'occasion de cet hommage. Mais pour ses fans, elle n'est jamais partie.